J'aime Jacques Audiard. Je peux aller voir ses films juste sur son nom, quelque soit l'acteur qui truste l'affiche ou le pitch du film. Ce n'est pas de l'admiration aveugle, c'est juste que j'ai été rarement déçu par le réalisateur de clips et jamais déçu du tout par le réalisateur de longs métrages.
Il y a une "patte" Jacques Audiard. La plus évidente est la noirceur de ses films, que ce soit d'un point de vue scénaristique ou pour l'aspect visuel. Egalement une prédilection pour les scénarios où les hommes ont le premier rôle, un certain goût pour la violence (psychologique ou physique) et un sens de la mise en scène plutôt magistral. C'est déjà pas mal.
Alors évidemment j'ai foncé voir Un prophète dès sa sortie parce que 1) Jacques Audiard 2) Niels Arestrup et 3) un bouche à oreille assez impressionnant (qui a d'ailleurs commencé à Cannes).
Le casting : Niels Arestrup est toujours aussi impressionnant dans les rôles d’homme à la force tranquille, avec ce regard (flippant) qui en dit beaucoup plus que les mots. Face à ce monstre de froideur, il fallait un acteur qui puisse avoir du répondant pour que le film trouve son équilibre. C’est Tahar Rahim qui se charge de cette difficile tâche et il réussit l’exercice haut la main. Je me demande si cet acteur ne va pas commencer sa carrière cinématographique par le rôle de sa vie. Tout simplement.
Le scénario : un jeune délinquant rentre en prison et se retrouve confronté à une promiscuité violente avec les autres détenus. La loi du plus fort. Le petit jeunot dans la fosse aux lions (corses). Ca parait léger comme pitch mais le film va de rebondissement en rebondissement, prenant le spectateur à la gorge dès le début du film pour ne le lâcher qu’au bout de 2h30 qui passent comme une lettre à la Poste. Le film est rythmé par les face-à-face entre Arestrup et Rahim, chaque entrevue faisant évoluer l’histoire. A noter que cette histoire de taulards est également une occasion militante de décrire un monde carcéral assez effrayant.
La réalisation : un film noir, filmé à la limite du documentaire. Cette sensation de « vécu » vient surtout du fait que Audiard s’est imposé de filmer dans des lieux réalistes, et quand on filme un type dans une cellule de 6 m², c’est difficile de faire varier les positions de caméras. D’où une multitude de plans très serrés et de gros plans sublimes (les acteurs ont des belles gueules de cinéma). Le film évite les très longs plans, il y a toujours une sensation de mouvement, d’action. Audiard excelle particulièrement dans les scènes de violence physique. Objectivement, je ne vois pas beaucoup de défauts à relever.
Bref, un film qui en impose.
Last minute : le film vient d'être choisi pour représenter la France aux prochains Oscars.