par Vivre Avec Depeche Mode » 28 Oct 2009, 22:54
Presque un an a passé depuis la sortie de l'album et c'est la première fois, personnellement, que je vais être amené à écrire à son sujet. Je suis plutôt content de le faire seulement aujourd'hui, après toutes ces émotions soudaines retranscrites à l'époque, en lien aux premières écoutes. J'espère que vous aurez plaisir à participer avec moi à cette hauteur de vue prise sur ce disque une fois passés différents cycles de familiarisation, notamment grâce à une tournée déjà bien entamée.
Ce qui ressort principalement, à mon sens, est une volonté de dédramatiser le contenu et d'alléger le pathos propre à Depeche Mode et qui avait encore une grande place dans Playing The Angel ( The Darkest Star clôturait l'opus de façon très sombre me semble t-il ). Faire plus léger parce que la vie est autre et que l'âge oblige à prendre de la distance entre l'oeuvre et la vie. D'où l'ironie parfois présente dans les titres. C'est un point de vue que j'oserais soutenir pour définir l'atmosphère de cet opus à nouveau très réussi et encore différent. Depeche Mode n'avance pas seulement pas des remises en question stylistiques ( très influencées par les artistes sous-traitants qui les accompagnent et les guident fortement ), ou du moins celles-ci n'ont de sens que parce qu'un état d'esprit est lui aussi en changement. Autrefois la méticulosité était au service de la mélancolie, je pense par exemple au formidable mixage de Violator et aux fins de certains morceaux de Playing lorsqu'on se demande si la voix clôturant le morceau n'a finalement été présente tout au long du morceau. Dans Sounds of The Universe, nous ne nous situons pas dans ce genre d'écoute. Nous avons tous à l'esprit ces petites voix qui ressortent telles des bruits de petites créatures robotisées qui donneraient l'impression de fonctionner de leur propre chef. Pour donner un exemple, je ne perçois pas la même cohésion entre l'apparition de ce type de voix à la fin de Suffer Well et celle que l'on entend à la fin de In Sympathy. Pour ma part, je ne trouve pas cela si grave. Car on perçoit bien cette revendication de liberté au-delà du système électronique, jusqu'à l'ordre et la progression de l'album.
De là le fameux point, souvent rebattu dans le forum, de la « structure ». J'avais essayé de montrer dans un autre texte que la structure de Playing the Angel était centrifuge et que tous les morceaux étaient en relation, avec une couleur similaire, quelque soit leur atmosphère. A mon avis il n'en est rien ici. Plutôt que de parler de progression, peut-être pouvons nous parler d'ordre. En effet, avec la simple fréquentation assidue du disque, et en y revenant après quelques périodes sans l'avoir écouté, on s'aperçoit que cet album en apparence disparate a son ordre. Cet ordre n'a pas, selon moi, à être révisé par les cinq autres titres complémentaires de la box dont je ne parlerai pas ici. L'écoute laisse transparaître une architecture, dont les ornementations ne sont pas toujours claires mais qui laissent perceptibles les fondations. Wrong et Miles Away, placés à deux extrémités, sont pour moi comme deux piliers ; la clef de voute serait Peace.
S'il fallait poursuivre la métaphore architecturale, je dirais que le mortier et le ciment auraient pu être mieux préparés. Je renverrai pour cela à une discussion que j'ai eue sur le forum avec Kikou69 qui m'a fait comprendre les problèmes actuels liés à la mode de la compression. Et Kikou de référer au désordre acoustique de Come Back, désordre que je perçois également. J'aurais aimé plus de consistance sonore, encore que ce manque s'éprouve à des degrés différents selon les titres, de là encore la difficulté de se constituer une image globale – difficulté salutaire en réalité puisque chaque titre est singulier, l'album n'est pas l'Oeuvre, les titres sont déjà des oeuvres. Mais s'il fallait séparer le clair du distinct, je dirais que In Chains, Come Back, Perfect, Miles Away et Corrupt méritaient un meilleur traitement sonore alors qu'on s'y retrouve davantage dans les autres. Bien que fond et forme soient très rarement dissociables, cet inconfort ne m'empêche pas d'apprécier les titres. Mais l'acidité qui les attaque parfois au niveau du mixage n'est pas sans me déranger. Fragile Tension subit un peu le même problème et dieu sait si nombreux ont été ceux ici à en déplorer le mixage aux premières écoutes, mais je l''accepte mieux pour ce titre car cette imperfection va dans le sens du texte ; c'est un titre que j'aime beaucoup pour cette raison. Avec Wrong, In Sympathy, Peace et Jezebel on revient en revanche sur une assise rythmique plus claire, plus franche participant à l'amélioration du climat sonore général. Si bien que l'écoute de Sounds of The Universe oscille entre solide et liquide. Ce passage de l'un à l'autre rend moins étouffante l'écoute comme c'est le cas quelque fois avec Playing The Angel, cet ordre moins pensé laisse plus de liberté à l'auditeur. On attend beaucoup de Depeche Mode qu'ils viennent renforcer nos vies en émotions palpables, ici finalement ce dernier opus permet de dédramatiser, comme après une bonne course à pied tout en continuant de générer ces effets que l'on recherche chez eux. Pour cette raison je dirais avec d'autres ici que c'est l'album de la maturité, si par maturité on entend une façon plus souple de gérer les affects. Je pense que le groupe se place dans cette optique, avec cette sérénité plus affichée qui n'empêche pas la créativité mais peut avoir, parfois, le défaut d'aller trop vite sur certains détails, au contraire de l'attitude angoissée qui se focalise avec appétit sur les détails. C'est donc un état d'esprit qui continue ses changements, ses bouleversements tout en continuant d'alimenter ce fond de commerce que sont les grandes problématiques de l'existence. Mais ce n'est pas un hasard non plus qu'un titre comme Peace soit au coeur de l'ouvrage ; à ceci près que les « just wait and see » des choeurs peuvent prêter à interprétation, inextricable paradoxe que le groupe nous aide à maintenir dans nos vies d'auditeurs...