par Vivre Avec Depeche Mode » 03 Déc 2010, 19:28
Dans la continuité des remarques sur la vidéo Hole to feed, à mon tour de rapporter mes impressions sur le film complet du concert de Barcelone. Je précise à nouveau les conditions de visionnage, la vidéo projection, simplement pour appuyer le fait que ce format rend parfaitement justice au film. Nous avons commencé par quelques documents autour ( dont la fameuse vidéo hole to feed ), suffisamment pour attiser notre curiosité et enchaîner avec le concert, en compagnie du second vin du Cos d'Estournel ( Saint Estèphe ) ; précision pas du tout d'ordre modien mais seulement pour glisser l'idée que image cinématographico-domestique et vin vont très bien ensemble...
J'avais émis quelques réserves à la vue des nombreuses annonces visibles avant la sortie du support. Du point de vue de la réalisation, j'appréhendais comme une drôle de synthèse entre le Live in Milan de Blue Leach et One Night In Paris. Mais le résultat est beaucoup plus surprenant et satisfaisant que cela.
Tout d'abord, quelques mots sur la prestation – mais ce seront déjà des mots sur le film. Les dispositions d'un soir, selon leur degré de générosité, l'envie, révèlent au réalisateur un matériau difficilement transformable. Par rapport à la soirée milanaise, Martin et Dave sont nettement plus en forme et en voix. On sent qu'ils ont cette pression du sourire affiché qui sera enregistré, mais finalement tout devient rapidement naturel dans les postures, les gestes et les sons. Contrairement à d'autres parmi vous, je n'ai pas perçu de lourdeur. Voir Martin déambuler sur l'avancée avec une allure un peu clownesque, volontairement pataude, genre caricature du rockeur, nous a fait beaucoup rire ( Jezebel ).
La prise de son m'a convaincu, je lui trouve beaucoup plus d'ampleur que sur sa simple gravure audio. Comme vous l'avez souligné, elle est plus recherchée que la plupart des LHN, elle n'est cependant pas exempte d'un côté mat que l'on avait aussi dans le dernier film officiel, là où certains lhn sont plus directs et authentiques dans leur restitution. Mais globalement de belles vibrations.
Celles-ci résonnent parfaitement dans les images. Au risque de contredire nombreux d'entre vous ( mais cet espace est consacré à cela ) il y a, à mon sens, un réel parti pris de mise en scène et des choix de cadrage très pertinents. Partons de la structure la plus visible et qui a pu gêner certains parmi vous, effectivement cette alternance de points de vue très différents et qui, apparemment, rompent l'unité de l'ensemble : le plan du fond de salle, la caméra derrière l'écran et surtout la caméra mobile devant la scène ayant ce soir-là, certainement, double fonction ( renvoyer le signal à la régie spectacle et à la régie film ). Tout cela donne des points de vue qui pourraient faire penser à un manque d'harmonie, voire à certains montages « pluri-cam » issus de la toile, quelque chose de parfois systématique, très attendu. Hasard ou intention culturelle, peu importe, en tout cas cela m'a frappé et je crois qu'un autre l'a signalé plus haut.
Ce schéma ne m'a pas gêné. Car il est complété par d'autres caméras plus libres, moins figées, qui offrent des vues pleines de sens. J'attendais depuis longtemps, inconsciemment, cette contre plongée déifiant Martin Gore dans le finale de Walking In My Shoes. Pour reprendre l'idée de l'un d'entre vous ( impossible de retrouver le post ) , au moment où Anton Corbijn aurait privilégié la danse sacrale de Dave, Russell Thomas rétablit plus de partage et c'est très enthousiasmant. Car Martin sait aussi, à sa façon, haranguer la foule. La grande sagesse de ce film est de montrer comment, contrairement à beaucoup d'autres artistes sur scène, les Depeche Mode ne cherchent pas à plaire obligatoirement, à se faire gratifier, ils essayent encore de donner le meilleur d'eux-mêmes.
Dans ses histoires du cinéma Jean Luc Godard ( qui fête aujourd'hui ses 80 ans ) dit qu'on ne se souvient pas pourquoi, dans un film de Hitchcock, tel personnage se rend dans tel lieu, quelle est la motivation de tel autre personnage mais on se souvient d'un verre de lait, d'une route déserte, d'une clé tombant dans le caniveau, etc. De même ici, régulièrement, des détails sont relevés à l'intérieur de cette immense fournaise électro-synthétique et cela me touche beaucoup. La caméra se situant dans la coulisse gauche et celle derrière l'écran le font très bien, sans tomber dans l'anecdotique. Je garde en souvenir aussi cette image avec Dave et Martin au second plan, vers l'avancée, et la tête de Fletch au premier plan, filmée de dos. Tous ses détails font finalement la formidable unité de ce film incroyablement vivant et jouissif.
Le montage de Enjoy The Silence est suffisamment simple pour que la salle de projection se transforme en dance floor. La puissance de ce titre est à nouveau retrouvée, avec le même effet de progression et de transition que l'on peut ressentir dans le brûlant One Night In Paris. Des titres qui étaient plus discrets dans la liste de cette tournée retrouvent une jeunesse comme In Your Room qui ressort magnifiquement. Les projections de la tournée que je trouvais très faciles cette fois contrairement aux compositions baroques sur écran de « Touring The Angel » sont bien valorisés, participent activement au spectacle du film, surtout du point de vue de la couleur ( It's No Good ). Contrairement à d'autres films de concert, la dolly surplombant la foule est employée avec économie et ne vire pas au rictus de montage. Quant aux flous, curieusement ils ne sont pas si notables que ça sur très grand écran. Encore une fois, pour ceux qui ont été déçus, voire dégoûtés une première fois, si l'occasion se présente, revoyez Live In Barcelona dans les conditions de la vidéo projection. Vous comprendrez peut-être alors mon enthousiasme qui dans l'instant peut vous dérouter. Je crois que sur petit écran j'aurais été beaucoup plus critique. Mais dans les autre conditions, c'est du vrai cinéma. Les seules failles que le film ne parvient pas à refermer par rapport au déroulement des concerts sont la place et l'esthétique choisies pour Behind The Wheel, pièce rapportée de cette tournée ( même si j'adore le morceau ). Peut-être qu'en concert cette rupture ne se sentait pas.