par killmesarah » 17 Mai 2009, 13:21
Pitchfork, suite.
P : Vous avez sorti, de manière régulière, un album tous les 4 ans. C’était planifié ou ça s’est fait par hasard ?
F : C’était planifié. Comme je viens de le dire, il faut 6 ou 7 mois pour réaliser un album et puis ensuite il a la promotion. Nous nous trouvons dans une situation (et c’est une bonne situation) où nous sommes populaires dans le monde entier et où faire une tournée prend du temps. Et après cela, nous devons tenir nos engagements avec nos familles et nos enfants qui ne nous ont pas vus pendant deux ans, vous voyez ? Et ensuite Martin recommence à écrire des chansons. Donc c’est un peu…on a été plus rapides cette fois ci parce que Dave a fait un album solo mais il a choisi de ne pas faire de tournée. C’est un peu embêtant. Avec Playing the Angel, on a en quelque sorte atteint un sommet et après on a fait un break de deux ans. Dans les années 80, on faisait un album/une tournée, un album/ une tournée tous les ans.
P : Avec Playing the Angel, si on se fit à la sagesse populaire, on a eu l’impression que cet album a recapturé quelque chose que Depeche Mode avait peut être perdu selon certains.
F : Et bien, j’aime tous les albums mais ils sont tous différents. Je pense que c’est peut être dû au fait que nous avons utilisé beaucoup de synthétiseurs analogiques sur cet album. Je pense que nous sommes de manière générale beaucoup plus contents de ce nouvel enregistrement. On a le sentiment que c’est un disque de qualité du début à la fin. Heureusement, on a franchi encore un nouveau palier.
P : Dans quelle mesure est ce que cela a à voir avec le fait de travailler deux fois de suite avec le même producteur ?
F : Et bien, normalement, c’est quelque chose de risqué pour Depeche Mode. On ne l’a pas fait très souvent. Mais on s’est dit « prenons Ben Hillier une seconde fois », c’est un homme complètement obsessionnel, très autoritaire. Il a une vraie approche. On avait tellement de chansons parce que Martin en avait écrit une tonne et Dave en avait écrit aussi. Cet album avait une direction plus claire.
P : Pour Ultra (produit par Tim Simenon) et Exciter (produit par Mark Bell), les producteurs étaient aussi des artistes à part entière. C’est n’est pas le cas de Ben, à strictement parlé.
F : Ben a la même formation que Flood. Il préparait le thé dans le studio, puis il est devenu assistant, puis ingénieur, puis producteur. Il est plus professionnel. Tim et Mark ont une formation musicale.
P : Est-ce que cela vous encourage à être plus créatif lorsque le producteur est plus technique?
F : Je ne sais pas. On a aimé travailler avec Mark et Tim et aussi avec Ben. Je pense que sur cet album, tout semblait trouver sa place. L’ambiance au sein du groupe était très bonne. Quand on a eu finit, Martin était même triste. Je n'aurais jamais pensé que cela puisse arriver lorsqu’il s’agit d’enregistrer un album. En temps normal, il a hâte que ça se termine.
P : Qu’est ce qui explique cet accroissement de productivité ? Vous avez sorti des éditions deluxe avec des chansons supplémentaires, des bonus, des démos…
F : Et bien, il a arrêté de boire il y a quelques années. Evidemment, comme tous les compositeurs, quand cela se produit on se demande toujours quelles seront les répercussions sur sa manière de composer. Il s’est avéré que la composition est devenue une obsession. Il a dû écrire 21 chansons alors qu’en temps normal il n’en produit que 13 pour un album. Dave a bien écrit aussi donc on s’est retrouvé avec un total d'environ 24, 25 chansons ce qui est beaucoup pour Depeche Mode.
P : Quel effet ça fait de voir des amis de toute une vie comme Dave ou Martin traverser des épreuves , aller très mal puis s’en sortir? Ont-ils changé ? Sont-ils redevenus comme avant?
F : C'est une chose qui a commencé puis s'est amplifiée, vous savez. En ce qui concerne Martin et ses problèmes de boisson, il a bu pendant une grande partie de sa vie mais pas de manière démesurée. Pareil pour Dave. Donc ils n’ont pas changé. Ils sont redevenus ce qu’ils étaient, avec leurs meilleurs aspects, si tu vois ce que je veux dire. Ils sont redevenus ce qu’ils étaient à la fin des années 80, avant que tout cela n’arrive. Il y a une chose qui joue en notre faveur : on vient de la même ville. On est très proches. Nos amis se ressemblent et nos familles se connaissent. On est très proches.
P : Etes-vous toujours en contact avec Alan (Wilder) et Vince (Clarke) ?
F : Non, pas vraiment non. Alan et Vince ont toujours été assez solitaires. Vince habite à present dans le Maine, au milieu de nulle part. Je suis tombé deux fois sur lui à New York durant les deux dernières années. J’ai pris un verre avec lui une fois. Mais Alan vit dans une grande villa de rock star à la campagne. Personne ne l’a vu depuis qu’il a quitté le groupe. D’un autre côté, ils ont toujours été plutôt solitaires de toute façon.
P: Donc vous ne les avez même pas vus lorsque vous avez tourné les documentaires à l’occasion des rééditions de vos albums?
F: On ne les a pas vus, non. Ca a été fait séparement. On a fait toutes nos interviews ensembles mais on ne les a pas croisés. C’est comme ça, c’est tout. On ne balance pas les uns sur les autres. Alan ne dit rien de mal à notre égard et Vince non plus. On suit toujours leur actualité.
P : Au bout du compte, Depeche Mode a été assez prolifique. Il n’y a pas eu de break de 10 ans entre les albums.
F : Il ne vaut mieux pas ! On commence à manquer de temps ! [rires]
P : Ca fait quoi de s'arrêter et de regarder en arrière : votre musique, vos succès passés?
F : Cette expérience a été idyllique. Faut le voir pour le croire. Lorsqu’on a commencé, on ne pouvait pas s’attendre à ce qui nous est arrivé, la carrière qu’on a eue et le fait qu’on soit encore en activité. C’était inimaginable. On est très reconnaissants. On a travaillé dur, on a parfois eu de la chance, mais on a constamment produit de la bonne musique.
P: C’est peut être un aspect de Depeche Mode qu’on a tendance à sous estimer. Vous être incroyablement constants. Quand les Rolling Stones sortent un nouvel album, tout le monde s’en fout. C’est juste une excuse pour partir en tournée. Quand c’est Depeche Mode, ça vaut encore le coup au niveau créatif.
F: On s’est toujours dit que l'on poursuivrait à condition de rester pertinents. On s’est aussi dit que si nos disques venaient à ne pas être bons du tout, ce serait le moment d’arrêter. Mais pour ce qui est des Stones, ils continuent à 65 ans ! Pour DM, quand j’observe les gens qui suivent notre carrière et nos nombreux fans de la première heure, je dois dire que je n’aurais jamais cru que l’on puisse se retrouver un jour dans cette situation qui fait qu’à l’age de 55 ou 56 ans, on puisse être sur la route. Mais cela semble de plus en plus probable ! Je ne sais pas si c’est une bonne chose. [rires] Tout cela est une aventure. Il est difficile de dire non. Peu d’artistes partent réellement à la retraite, n’est pas? [rires]
P: Ben, il y a pas mal d’argent à se faire !
F: Ouais évidemment l’argent est important. Quand on a commencé avec le groupe, on a engagé un comptable qui avait établi un plan pour faire des économies d’impôts. C'était basé sur le fait que nous partions en tournée pendant 3 ans. Mais on a juste continué, continué, continué et nous voilà 30 ans plus tard. On se rend bien compte à quel point cela est incroyable d’être encore en activité et d’avoir du succès.
P : Depeche Mode est une société de production maintenant, une industrie…
F : Une marque !
P : il y a beaucoup de gens qui travaillent pour vous ou avec vous dont la vie, dans une certaine mesure, dépend de vos succès ou de vos echecs.
F : Ouais, bon, ce n’est pas aussi gros que ce à quoi on pourrait s’attendre. Je pense que U2, par exemple, ont une plus grosse machine que nous. Nous sommes beaucoup plus petits qu’eux.
P : Tout est relatif.
F : Oui je présume. C’est relatif.
P : Mais, quand on a ce genre d’engagement vis-à-vis du groupe et des gens qui l’entourent, est ce qu’on ressent une anxiété quelconque lorsque Martin dit qu’il a 20 nouvelles chansons et qu’il va falloir s’y atteler sachant que cela signifie que la machine va se remettre en marche ?
F: La peur est toujours présente quand on enregistre un disque et qu’on part en tournée. On a de la chance d’avoir nos fans, qui semblent être toujours là. Ca atténue pas mal la peur. On sait que notre public sera hystérique, génial. Ca nous épargne beaucoup de stress. Par exemple, on a sorti Wrong comme single. Je pense que si nous étions un groupe plus commercial, la maison de disques aurait cherché un titre plus vendeur, qui passe mieux en radio. Donc on a la liberté de faire les choses differemment, ce qui est plutôt important.
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