par domvano » 17 Oct 2007, 17:28
Article et interview ce jour dans "Le Soir" Belge:
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Auteurs: BROQUET,JULIEN
Le chanteur
de Depeche Mode sort son deuxième album solo, « Hourglass ». Et nous accorde, à Londres, un long entretien vérité. « Il fut une époque où j’étais très indulgent envers moi-même, avoue-t-il notamment. Je prenais ce que je voulais. Quand je le voulais. (…) D’un côté, il y avait l’extraordinaire succès de Depeche Mode, de l’autre, une désespérante solitude. Une énorme déception. Puis, de l’autodestruction. Il me fut très difficile de trouver la porte de sortie, mais heureusement, j’y suis parvenu. » Pages 2 et 3
« J’ai réalisé que le temps était une denrée précieuse »
Revenu de loin, de très loin, Dave Gahan, le chanteur de Depeche Mode sort son deuxième album solo.
A 45 ans, Dave Gahan a tout connu. Avènement, descente aux enfers et douce résurrection. Ce qu’il a traversé, le chanteur de Depeche Mode en parle avec la même simplicité. Celle d’un mec rangé. Apaisé. Frais, bien coiffé, rasé de près, il nous accueille avec classe et gentillesse dans une chambre d’hôtel londonienne.
Vous avez intitulé votre nouvel album solo « Hourglass » (Le sablier). Avez-vous l’impression de courir contre la montre ?
J’aimerais parfois que le temps se suspende. Ou que certaines choses passent plus vite. C’est frustrant. Mais enregistrer ce disque, c’était aller où je devais me trouver. Je ne sais pas ce que le futur me réserve, et on ne peut qu’accepter le passé. Si je n’étais pas parvenu à utiliser mon expérience pour apporter quelque chose de neuf, ce disque n’en aurait pas valu la peine. Pour beaucoup, il est au-dessus de toute espérance. Notamment en terme de songwriting.
Vous vous sentez plus à l’aise maintenant avec l’écriture ?
Je commence, oui. Je me suis surpris moi-même. Surpris par ma capacité à articuler les mélodies et ce que j’essayais d’évoquer avec ma voix. Pas seulement dans les textes, les mots. Mais dans le son, l’âme, l’énergie. Ce disque vient de loin. J’ai vraiment dû me libérer.
Frôler la mort a changé votre façon de voir et traverser votre vie ?
Je pense, oui. J’ai réalisé que le temps était une denrée précieuse. Le temps, surtout, que je consacre à mes enfants, ma femme, ma famille. Le temps, aussi, que je passe à travailler. A créer. Je ne veux plus le gaspiller à imaginer ce que je pourrais faire et que je ne ferai jamais. Je veux suivre mon instinct.
Vous avez des regrets ? La drogue, les excès ?
Il fut une époque où j’étais très indulgent envers moi-même. Je prenais ce que je voulais. Quand je le voulais. Ce n’est pas moi qui ai choisi tout ça. C’est juste ainsi que les choses ont tourné. Je me suis senti perdu. D’un côté, il y avait l’extraordinaire succès de Depeche Mode, de l’autre, une désespérante solitude. Une énorme déception. Puis, de l’autodestruction. D’une certaine manière, je me dégoûtais moi-même. J’ai accompli beaucoup de choses, et j’ai abusé de ce qui nous est arrivé. Il me fut très difficile de trouver la porte de sortie, mais heureusement, j’y suis parvenu.
Votre album est teinté d’électronique. Quels sont les artistes électro qui vous plaisent ?
Je n’écoute pas un artiste, un album, une chanson en me disant : c’est de la musique électro. Si la musique m’émeut, qu’il s’agisse du nouveau Keren Ann, des White Stripes, de Digitalism, je l’apprécie simplement. Je ne la fais pas coller à une définition. Pour moi, c’est l’atmosphère qui importe. Parfois, l’électronique parvient à me toucher. Parfois, pas du tout. C’est l’électro minimaliste que je préfère. J’aime pouvoir laisser divaguer mon imagination quand j’écoute. Et je dois à tout prix croire la voix qui me parle. Ce qui arrive avec Johnny Cash ou Sigur Rós. Je ne saurais pas vous dire quels sont les groupes à la mode en ce moment. Je n’en ai aucune idée, et en fait, je m’en fous.
Martin Gore a écouté le disque ?
Oui, et il le trouve génial de bout en bout. Sur le précédent, il appréciait seulement l’une ou l’autre chanson.
Qu’est-ce qu’il y a de Depeche Mode dans cet album solo ?
Moi [rires]. Musicalement, c’est difficile à percevoir. J’ai appris tant de choses tout au long de notre carrière ensemble. Nous avons emprunté tellement de directions, d’atmosphères, tenté tellement d’expériences…
On ne peut parfois, en écoutant « Hourglass », s’empêcher de penser à Nine Inch Nails…
Depuis des années, j’apprécie ce que fait Trent Reznor. Je m’identifie même à ce qui se dégage de ses chansons. Je pense qu’il y a une sorte d’atmosphère industrielle dans mon disque qui provient sans doute en partie du fait que j’habite à New York. On y ressent cette énergie… J’aime Nine Inch Nails, et plus généralement, j’aime la mélancolie présente dans la musique industrielle. J’apprécie aussi la manière avec laquelle cette musique est construite. La musique des machines, c’est le son du monde. Le son de la vie.
Anton Corbijn vient de sortir un film sur Ian Curtis. Vous aurez sans doute votre biopic un jour. Qui pourrait jouer votre rôle ?
Je verrais bien Ben Stiller. Peut-être qu’Anton, avec qui j’ai récemment passé l’après-midi à prendre des photos, y travaille déjà… [Rires.]
Vous chantez « I don’t believe in Jesus but I’m praying anyway ». Vous croyez en quoi ?
En la vie. Elle nous dicte plus de choses qu’on veut l’admettre. On pense avoir le contrôle de ce qui nous arrive. On essaye de maîtriser les événements. Mais la vie tourne. La vie change. Il faut oser emprunter les sentiers qui s’offrent à nous. Je ne crois pas en une certaine religion, en une quelconque politique. J’ai une foi indéfectible en la vie.
Comment expliquez-vous la longévité de Depeche Mode ?
On a eu la chance d’avoir le soutien nécessaire au moment opportun. Je parle notamment de producteurs. Quand tu crées, les gens avec qui tu travailles sont extrêmement importants. C’est une question de challenge. Si tu es buté, si tu n’écoutes pas, si tu arrives sûr de ton fait, de ton son, tu te répètes. Tu n’apprends plus rien. Le changement a été fondamental, à mes yeux.
Et la suite ?
Je n’ai rien planifié. Je vais sans doute partir pour une petite tournée début 2008. Pour l’instant, je célèbre le fait d’avoir terminé ce disque. En ce qui concerne Depeche Mode, on avisera l’an prochain. Je sais que Martin écrit, pour l’instant. Christian, Andrew et moi, on se réunira plus tard dans l’année.
Hourglass
Tandis que Martin Gore et Andrew Fletcher reprenaient leur souffle après la sortie de Playing the angel et une tournée internationale qui a attiré quelque 2,5 millions de spectateurs, Dave Gahan est entré dans son studio new-yorkais pour enregistrer son deuxième album solo. Plus électronique que Paper monsters, Hourglass est une sorte de croisement entre Depeche Mode et un Nine Inch Nails qui aurait perdu son côté sauvage. Gahan a écrit et coproduit tous les titres avec le batteur Christian Eigner et le guitariste Andrew Phillpott, qui accompagnent Depeche Mode en tournée. Un disque inégal, aux relents de rock industriel et d’électro glam, mais dont quelques titres valent franchement le détour.
Mute – EMI. Sortie ce samedi 20 octobre.