par CLRNC » 20 Mar 2017, 20:22
Bonjour à tous,
Il y a bien longtemps que je n'ai plus mis les pieds sur un forum DM quel qu'il soit, la dernière fois que c'est arrivé ce fut pour la sortie de PTA, c'est dire... mais la sortie de ce nouvel album m'a fait scroller et rafraichir un nombre incalculable de fois les pages de ce forum, si bien que j'ai jugé intéressant de m'inscrire. Rester dans l'ombre du statut "visiteur", ça va deux minutes...
Ma première contribution sera donc de donner un avis Global sur Spirit, comme beaucoup d'entre vous se sont pliés à cet exercice. En synthèse, les petites notes /10 en bas donneront un aperçu rapide de la critique (bonne idée les notes, CoverMe)
Dans un premier temps, je pose le contexte et vous signale que je ne suis pas de ceux qui regrettent inlassablement le grand Alan Wilder, je reconnais sa contribution, je reconnais son travail solo post-DM, je reconnais aussi son absence et la direction prise par DM dès Ultra. Je ne suis pas non plus un éternel nostalgique de la grandeur passée, chaque album dans leur carrière a sa propre personnalité, qui collait aux aspirations et inspirations des 4 (ou 3) en leur temps. Pas question pour moi de ronger mon frein en constatant qu'un PTA ne sonnait pas comme un SOFAD, qu'un Spirit ne sonne pas comme un MFTM... PTA sonne comme PTA, Spirit sonne comme Spirit. Et c'est parfait comme ça.
Et justement, Spirit sonne bien comme Spirit, quelle joie ! On peut, certes, lui trouver des similitudes avec pas mal d'albums précédents, mais franchement, je ne vais pas perdre trop de temps dans des comparaisons si c'est pour regarder inlassablement dans le rétroviseur d'un oeil désabusé (je me permettrai seulement quelques allusions positives, et encore). Premier point positif pour le 14ème petit, sa qualité d'album unique. Une nouvelle preuve que DM fait parti des (très) rares formations musicale qui sait toujours s'éloigner des modes et des canons de la musique actuelle pour proposer leur propre vision des choses.
Autre point positif : la cohérence. Spirit et ses 12 titres forment un tout indéniable, aucun titre ne mériterait d'être exclu tant les sonorités se recoupent (sans se copier) et l'ambiance générale, lourde de surcroît, pèse sur la quasi-totalité de l'album de manière homogène. Le ton est grave, la lumière, présente derrière un épais voile de brume. J'ai toujours aimé DM avec cette noirceur (qui ne tombe jamais dans la surenchère), laissez-moi vous dire que je suis conquis. L'écriture est bonne, parfois simple mais toujours efficace et percutante, merci Martin ET Dave pour votre travail de parolier.
Le titre introductif Going Backwards fait parfaitement son travail et le ton est donné, le cadre est posé, nous voilà prévenus, le voyage va être grandiose mais point de soleil à l'horizon... Le titre évolue par paliers de puissance, histoire de ne laisser aucun répit à son auditeur et nous retrouvons cette évolution dans pas mal de titre, à diverses échelles (The Worst Crime, Scum, Cover Me, Poorman...), quel plaisir ! Et que dire du final à deux voix, il s'agira là du premier frisson de l'album, clairement.
Notre premier single aura eu un nombre d'écoute bien supérieur aux autres titres, mais il aura déjà le mérite d'avoir passé le test de la lassitude. Where's The Revolution est bon, et mieux encore, il reste bon, voire se bonifie avec le temps. Ce qui est suffisamment rare pour le souligner. La chaleur des modulaires de Martin est un vrai régal pour les oreilles et l'ensemble des pistes qui constituent ce titre est harmonieux, spatialisé à merveille (le mixage de ce titre est peut-être le meilleur de l'album). Il s'en dégage une grande puissance.
L'injustement décrié The Worst Crime a été un véritable coup de coeur à la première écoute. A la dixième, il reste très bon et reste dans la moitié supérieure de l'album. Pourquoi ? Pourtant il est court, semble ne jamais décoller, procure un sentiment de frustration à chacune des dernières montées... C'est là toute la magie du titre. Le dénouement n'arrive pas, la question reste sans réponse et il aurait été facile d'y répondre, trop facile -> on touche là à un point crucial de l'album : l'expérimentation et le choix de la facilité ou non. Spirit est un album plus complexe que ses prédécesseurs, l'expérimentation est mise en avant, que ce soit au niveau de la technique et de l'artistique, l'architecture au sein des morceaux, les sonorités remarquables et peu explorées jusqu'à lors. Me concernant, c'est un TRES bon point, c'est exactement ce que je recherche dans la musique, ce qui sort de l'ordinaire.
Et voici qu'arrive Scum. La première écoute, extrêmement déroutante, limite "bordélique", laisse perplexe. Tout s'enchaîne très vite, les voix sont exagérément distordues, l'ensemble se veut agressif et pourtant, on a immédiatement envie de se frotter à nouveau à l'expérience. Et le résultat est concluant : Scum est une véritable pépite, incroyable de puissance et épique par dessus le tout. Les synthés de Martin y trouvent leur pleine énergie, et le poil s'hérisse à leur écoute. Le ton se durcit, le titre est très audacieux et sûr qu'il ne fera pas l'unanimité. Mais il remporte haut la main mon suffrage !
Mais voici qu'arrive le titre qui produit chez moi une légère consternation : You Move. Bien que Spirit soit passé entre mes oreilles plus d'une dizaine de fois, sans qu'aucun titre ne soit sauté, chacun ayant eu le même traitement, ce morceaux me résiste. Pourtant, forcé de constater l'audace. La ligne de basse lorgne du côté du hiphop, la rythmique se veut intense et fouillée, quelques sons ponctuels sont très bien sentis, ça sent le cuir de manière omniprésente mais il y a quelque chose qui me rebute. Serait-ce les paroles, trop simples et chantés d'une manière qui ne me convient pas ? Je me laisse néanmoins d'autres écoutes pour changer la donne et éviter des conclusions trop hâtives.
A contrario, si il y a bien des paroles dont le contenu et l'interprétation m'ont fait vibrer, ce sont celles de Cover Me. Pourtant ce n'était pas gagné, la première écoute ne m'a pas laissé une impression folle, loin des louanges que j'ai pu constater ici et là dans ces pages, me procurant alors une légère déception. Mais les essais suivant m'ont fait revoir ma copie. Rapidement d'ailleurs. L'émotion s'est voulue plus intense, la progression du morceau m'a transporté bien plus loin qu'aux premiers abords et je suis dorénavant totalement conquis. Je suis prêt à lâcher quelques larmes pendant la première partie chantée, tandis que je tape allègrement du pied sur la seconde moitié instrumentale, diablement efficace. Un revirement de situation des plus agréable pour une des pépites de l'album, où l'air est certes froid mais l'ambiance chaleureuse, tel une aube du premier jour de printemps.
Mais le crépuscule ne se fait pas attendre et viens ensuite la première manifestation de Martin. Eternal, et ses atmosphères dignes des limbes... vous savez, j'ai un test que j'aime bien faire passer aux titres de DM pour quantifier l'impact émotionnel qu'ils procurent chez moi : il me suffit de les chanter (avec mes capacités lyriques, hein, et me concernant ce n'est pas fou fou...). Sans connaissance des paroles ni aucun moyen de bien les interpréter, le titre parait somme toute assez pauvre, bien que non dénué d'intérêt. Mais une fois que le texte est assimilé (ce qui ne fut pas bien compliqué pour ce titre), une fois en possession du sens et de l'émotions qui s'y rattache, on prend une grande respiration, on se met tel un acteur dans la peau de Martin, et je peux vous assurer en toute honnêteté, que ce final, ces quelques mots accompagnés de la lourdeur de l'instrumentation... *loooooooooooooooove* et bien ça retourne littéralement le bide. Et c'est ainsi qu'Eternal gagne ses titres de noblesse.
Jusqu'ici l'album est quasi-jubilatoire, mis à part l'écart You Move, selon moi. Puis arrive le trio Poisoned Heart, So Much Love et Poorman. Ces titres n'ont pas grand chose en commun, ils sont bons, indéniablement, avec leurs qualités intrinsèques, mais elles ont toutes en commun ce léger défaut de manque d'audace qui les refoule aux portes des grands titres de DM. Poisoned Heart est d'une grande intensité, percutante, le rythme se veut lourd (dans un sens qui me sied), le regret est palpable, les complaintes sont riches et truffées de sonorités aiguisées du plus bel effet. So Much Love est efficace, simple (peut-être un peu trop à mon goût, mais un ou deux titre de cet acabit au sein d'un album, cela ne me dérange pas), c'est un single en puissance, le riff de guitare est mémorable, les paroles sont entêtantes et agréables, elle trouvera sans nul doute toute sa grandeur en live. Poorman se veut plus fédératrice et regorge de très bonnes idées et sonorités, comme cette guitare rauque qui accompagne toute la seconde moitié du titre, cette rythmique qui se veut plus martial sur le final, il y a ce petit côté I Feel You fort sympathique. Mais ces trois ci n'ont peut-être pas LE truc qui va les faire décoller, ou alors il m'est encore caché et je vais continuer à les écouter pour en prendre conscience. Cela dit, Poorman a quand même un léger potentiel supplémentaire... Cela ne me dérange pas que quelques titres soient en deçà des autres dans un album, il y en a toujours eu, mais là elles s'enchaînent et risque de provoquer une sensation de soufflé qui retombe, dommage.
Lors de mes premières écoutes, No More n'était pas loin de rejoindre le trio précédent, mais elle dispose d'un potentiel de bonification bien supérieur. Elle a tout pour plaire, ligne de basse ronflante et vibrante, arpèges très agréables, ambiance aux petits oignons, la dualité voix/instrumental très équilibrée, le frisson de l'envolée à partir de 1'50", des sons aussi originaux que d'autres sont rétros... Il ne lui manque qu'un surplus d'audace et d'intensité pour atteindre la note d'un Scum ou d'un Going Backward mais on peut dire que la recette DM a très bien marché pour ce morceau.
Et enfin, deuxième et dernier essai de Martin, dont l'espoir semble désormais s'être évaporé par tous les pores de sa peau. L'ambiance de Fail se veut crépusculaire, froide, même si mises à part, les nappes sembles belles et douces. Les synthés en bout de couplets (assez incroyables dans leur constructions, je me fais d'ailleurs bien plaisir à essayer d'imaginer le patching qui amène de telles sonorités sur modulaires) contrastent admirablement avec la légèreté des nappes, la puissance se veut progressive à souhait, tant dans le rythme que dans la voix (et pu****, cette saccade qui amène à la grandeur entre 2'48" et 2'50", ça parait pas grand chose mais ça me fout un de ces frissons...). Il y a bien longtemps que Martin ne m'avait pas fait vibrer par deux fois au sein d'un même album, merci à lui ! "We failed" qu'il disait. Cela ne le concerne pas.
-- Pour conclure --
Je vais être honnête avec vous, je suis fan de DM avant tout pour le travail accompli et leur capacité d'évolution tout au long de leur carrière, cette capacité de briser les codes en vigueur, avec pour album préféré Ultra, ce qui m'amène à penser que ma critique ne rejoindra probablement pas la majorité. Je suis également très admiratifs d'artistes contemporains plus techno et expérimentaux tels Kangding Ray, These Hidden Hands, Shifted, les écuries Raster-Noton, Stroboscopic Artefacts et consors. Ceci pour dire que c'est grâce à son ambiance lourde, noire sans exagération, sa recherche sonore, sa prise de risque et ses expérimentations, ses kilomètres de câbles de patches, que Spirit parvient à se hisser très haut dans le classement des albums de DM. A quelle place ? Il est trop tôt pour le dire.
1. Going Backwards 9/10
2. Where's the Revolution 8/10
3. The Worst Crime 8/10
4. Scum 9/10
5. You Move 5/10
6. Cover Me 9/10
7. Eternal 9/10
8. Poison Heart 7/10
9. So Much Love 7/10
10. Poorman 7/10
11. No More 8/10
12. Fail 8/10
Pour un total de 7.83/10 (pour indication, mon chouchou Ultra dépasse tout juste les 8, avec ses deux 10/10 que sont Freestates et Insight)
Merci DM, merci Ford pour le travail accompli. Si j'ai pu croiser Ford récemment, maintenant je rêve de croiser le trio !
Dernière édition par
CLRNC le 21 Mar 2017, 00:00, édité 1 fois.