J'ai eu récemment la chance de pouvoir écouter le nouvel album de Depeche Mode, "Delta Machine". Comme j'avais eu des sentiments mitigés envers le très moyen SOTU -leur second avec Ben Hillier à la prod- j'ignorais s'ils pourraient innover en faisant un nouvel opus avec lui, ou s'il fallait un nouveau capitaine pour les renouveler. Le retour de Flood, leur collaborateur de longue date et producteur de leurs -sans doute- deux meilleurs albums à ce jour (Violator et SOFAD), cette fois en tant que mixeur sur "Delta Machine", m'intriguait. Cela, et leur désormais coutumier break de 4 ans entre chaque album, allait-il insuffler au groupe une nouvelle vitalité et un retour à un niveau qu'on attend depuis longtemps ?
En bref, heureusement et pour la majeure partie, la réponse est oui. Les fans qui reprochaient à SOTU un son dispersé n'auront pas grand-chose à dire sur Delta, qui avec ses 60mn de musique forte, complexe et audacieuse, offre à ses meilleurs moments les passages les plus convaincants que le groupe a fourni depuis des années, et nous ramène aux moments forts de leur carrière de 30+ ans. Ce qui ne veut pas dire que Delta est totalement exempt de défauts. Par moments on se demande si nos gars de Basildon ont trop peur de ce qui se passerait s'ils se remettaient accidentellement à créer de la "pop pure" ; quand une chanson prometteuse arrive à l'endroit où l'on espère un pont sublime comme touche finale d'un futur grand classique, mais qu'elle part dans une direction différente ou se répète jusqu'au fade out, difficile de ne pas se dire que le plein potentiel de l'album a été quelque peu gâché.
Cependant, je dois dire que ce sont mes réactions initiales après une seule écoute, et il y en avait suffisamment de positives pour que j'aie hâte de m'installer avec l'album pour une écoute correcte.
Voici donc quelques impressions sur chaque morceau. Je n'ai pu prendre de notes qu'après l'écoute, je ne peux donc pas trop commenter les paroles précisément.
1. Welcome To My World
Des touches chaudes de synthés lancent l'album de façon inhabituellement calme. La voix de Dave est claire et sèche au premier plan ; cette remarque s'applique à l'ensemble de l'album. On sent vraiment que la prestation de Dave a (re)gagné en confiance, sûrement grâce à sa collaboration sur le dernier projet de Soulsavers, et il brille sur la plupart des chansons qu'il interprète. La chanson progresse peu à peu vers un refrain grandiose bourré de cordes et d'harmonies sublimes qu'on doit à Martin Gore, et qui surpassent immédiatement le précédent album en profondeur sonore brute. On sent la présence de Flood dès le début. Un très bon départ pour l'album, et je ne serais pas surpris qu'il ouvre la tournée.
2. Angel
La chanson introduite en fin d'année dernière pour annoncer le retour du groupe avec un nouvel album et une tournée, son gospel électro frénétique et Dave en prêcheur servent de mise en bouche pour la suite.
3. Heaven
Le groupe a choisi cet hymne éloquent [...pas pu traduire] comme premier single pour l'album, et alors que les fans furent surpris par l'étonnant manque de punch qu'on attend sur ce genre de track, je trouve qu'il s'en sort bien mieux dans le contexte de l'album que pris à part.
4. Secret To The End
Je pense que la première pensée de beaucoup de fans en entendant cette chanson -surtout après Heaven- sera "pourquoi ce n'était pas le premier single ?". Rapide au point de presque-mais-pas-complètement devenir un track dance, accompagné par une mélodie à la guitare simple mais efficace, cette chanson contient ce qu'on attend d'une bonne compo de DM. Une belle progression de cordes et des paroles plutôt accrocheuses de Dave.ession and relatively catchy lyrics written by Dave.
5. My Little Universe
Comme si le titre ne suffisait pas à le suggérer, cette chanson aurait pu être extraite de SOTU, tant par son thème lyrique que par son manque de mélodie distincte en dehors de celle de la voix, ponctué de coups de synthé et de distorsion électronique qui vont et viennent dans le mix. Cela donnerait l'impression d'avoir été composé pour un solo de Martin, mais c'est Dave qui chante de façon douce et quelque peu menaçante. Pas si mal, mais difficile de ne pas penser que la chanson aurait été plus à sa place sur le précédent album.
6. Slow
Machine descend le Delta vers le sud avec ce track rythmé et lourdement chargé de blues, qui devrait diviser les fans, au moins sur la première écoute. On a parfois l'impression que Dave chante faux car la hauteur de sa voix détonne avec la mélodie générale. Cela rappelle le disque de Soulsavers, donc il y a des chances que ça vous plaise si vous avez apprécié.
7. Broken
Si cette chanson ne finit pas en single, il n'y a pas de justice en ce bas-monde. Je n'exagère pas quand je dis qu'elle m'a collé des frissons comme "Suffer Well" (elle aussi écrite par Dave) sur PTA, surtout à l'arrivée des harmonies vocales du refrain. Musicalement, elle puise dans l'époque classique MFTM/Violator d'une façon qu'on ne pensait plus entendre à nouveau, sans être obsolète. Un candidat sérieux pour le titre de best track de l'album.
8. The Child Inside
La seule chanson chantée en solo par Martin, et malheureusement c'est une déception. Même si le thème lyrique de l'innocence perdue est récurrent chez lui, son exécution est un peu trop artificielle et tombe à plat, du moins pour moi. A la première écoute, les sons de l'arrangement me font penser à Jezebel.
9. Soft Touch/Raw Nerve
Place au glauque, avec une voix gutturale de Dave et un staccato dur, presque vibrant, qui imprègne toute la chanson. Je pense que l'ajout d'une caisse claire aurait permis de mieux ponctuer la chose, ce qui arrivera peut-être en tournée s'ils le jouent.
10. Should Be Higher
La dernière contribution de Dave sur l'album, et une fois de plus c'est un hit. Une sombre balade électronique qui ne déparerait pas sur un album de IAMX, une voix sublime de Dave qui atteint des hauteurs époustouflantes qu'on l'avait rarement entendu tenter auparavant. J'aimerais l'entendre en live, mais j'imagine qu'il aurait du mal à la chanter tous les soirs sans avoir à baisser d'une octave ou deux.
11. Alone
L'arrangement de cette chanson me rappelle Counterfeit 2, mais même si elle n'est pas mal, on dirait une sorte de "manuel de DM" (NDT : une sorte de manuel technique à suivre aveuglément) qui aboutit en opportunité ratée. Chanson la moins mémorable de l'album de mon point de vue.
12. Soothe My Soul
Tout comme "The Dead Of Night" donnait dans la caricature décomplexée, cette chanson est un plaisir coupable. Le refrain rock n'roll glam en chœur est très amusant, et sûrement pensé pour propulser le track parmi les futurs singles. Quand le groupe donne l'impression qu'il est si simple de fournir ce genre de remplisseur de stades, on se demande pourquoi ils ne le font pas plus souvent. Son seul défaut est que le refrain fait de l'ombre aux couplets.
13. Goodbye
Le blues revient pour la fin, avec un riff très proche de celui d'I Feel You, en plus lent. Il est clair que la personne à qui la chanson est adressée n'aura pas de seconde chance, les refrains va-chier-et-crève (NDT : apparemment 'fuck off and die' est aussi le titre d'une chanson de Green Day, il fait peut-être allusion à ce type de son plutôt qu'à la tendance des lyrics ?) magnifiquement bruyants, bourrés de basse, guitare, et synthés métalliques s'assurent que le message va bien passer. Et au cas où on n'aurait pas compris, alors que la chanson s'éteint et que la poussière retombe sur le disque, tout revient pour une déferlante de blues crade avant que le groupe quitte la scène.
(bon je sais pas pour vous, mais là j'en peux plus d'attendre)
Give me a reason to scream and shout ; give me something to get excited about.