Voilà, je viens donner mon avis de fan de longue date…
D’avance, je suis désolé de faire si long. Je vous pardonne de simplement survoler la critique ; mais quand on attend un album pendant 4 ans, on peut se permettre de perdre un peu de temps pour donner son avis…
Contrairement aux 2 derniers opus, j’ai joué le jeu jusqu’au bout en découvrant l’album sur son support physique, une fois acheté en magasin. Ca a du me porter chance vu la déferlante de qualité qui a pris mes oreilles d’assaut.
J’avoue que certains morceaux m’ont d’abord décontenancé, sans doute parce qu’en tant que mélomane, j’ai des habitudes et des aprioris, lesquels ne me disposent pas à avoir un tel effet de surprise venant d’un groupe dont je connais 30 ans de discographie.
Et pourtant ce fut bien le cas, au milieu de tubes à l’efficacité redoutable qui ne seront jamais des « hits » ou des « tubes cultes » pour l’unique raison qu’on vit en 2013, on trouve des petites perles alternatives voir expérimentales.
Ce n’est pas de la junk food auditive, la première écoute ne laisse pas toujours transparaitre toutes les facettes des morceaux ; il faut apprendre à les dompter, les ruminer, les vivre… L’efficacité de l’ensemble n’est pas immédiatement accessible. Ceux qui sont restés bloqués au Depeche Mode d’il y a 20 ans peuvent éviter de perdre leur temps, ils ne trouveront toujours pas leur compte ici.
Plus j’écoute cet album, plus je l’apprécie et plus je comprend ce que Dave Gahan veut dire quand il précise qu’il est arrivé là où il voulait aller depuis le début avec Ben Hillier, et que ce disque conclut de manière idéale une trilogie.
On retrouve l’aspect mélodique de jadis avec une maîtrise plus contemporaine. Beaucoup ici veulent l’associer à un précédent opus, je n’y arrive pas. Il a une ambiance propre et l’idée du Blues distillé ci et là pour relier le tout renforce son aspect inclassable.
Pour commencer par le mauvais (ainsi, on en est vite débarrassé), je ferai 3 reproches à l’album :
- Quelques choix douteux dans la playlist, ça aurait pu être aménagé autrement (heaven notamment).
- Comme pour l’album précédent, des percussions souvent trop timides voir inexistantes (quand pourra-t-on réentendre un beat avec la même violence que celui d’In your room ?). Même sans avoir recours à un batteur, de nombreuses boites à rythmes sont capables de sons beaucoup plus « rentre dedans ». Mais bon, il s’agit de toutes évidences d’un choix artistique assumé depuis longtemps...
- Happens all the time, un peu plus de mal avec ce choix d’accords (ou de désaccords) très étrange à aborder. Peut-être nécessite-t-il juste encore + d’écoute que les autres pour que mes oreilles l’apprécient…
Sinon Should be Higher, Soothe my Soul, Secret to the end (même si elle souffre de percus timides, elle a comme cadeau une outro qui déchire grave dans un bon casque), sont déjà des grands classiques pour moi… Excellentissimes et limite incritiquables (mais critiquez les, je ne donne que mon impression, lol).
2 de ces 3 titres étant écrits par Dave, je constate donc par moi-même que son apport est vite devenu capital à DM. Si on enlève maintenant ses morceaux, l’album y perdra beaucoup en qualité et en âme.
Soothe my Soul et Secret to the end se permettent de jouer avec le côté kitsch des premiers DM en distillant quelques effets très old school, si biens mis en scène qu’ils y gagnent beaucoup en style et contribuent au son unique de l’album.
Slow et Goodbye servent l’espèce de concept de l’album, à savoir la revisite du blues à la sauce DM. Ils sont brillamment réussis et formeraient une belle trilogie avec Personal Jesus.
My little universe, presque hors sujet si le sujet de l’album n’était pas justement le hors-sujet ^^. Ca rappelle fortement quelques Radiohead post-2000, très clairement… On bidouille et on triture sobrement les machines sur une non-mélodie extrêmement minimaliste. Inutile si DM faisait ça depuis 30 ans, excellent dans le contexte actuel.
Heaven, très belle ballade à l’ambiance léchée, et choix incompréhensible de 1er single, est là uniquement pour nous donner un aperçu totalement biaisé de l’album, comme DM s’amuse maintenant à le faire systématiquement, dans un but sadique (3 fois de suite, je ne crois plus à une coïncidence).
La petite masturbation habituelle de Martin est assez agréable à l’écoute. Bien que dispensable, ça fait partie du rituel DM et je n’ai pas de raison de la bouder car son ambiance est réussie.
Always est beaucoup plus risqué, son côté alternatif n’aurait pas dénoté avec l’album principal qui joue déjà allégrement sur le contraste soudain d’ambiance (Angel, Welcome to my world, Goodbye…)
Niveau bonus, j’aurais juré que long time lie était un morceau écrit par Gahan, c’est la seule fois où j’ai reconnu sa patte artistique à n’en point douter. Bon, j’avais à moitié raison, à moitié tort. En tout cas, le résultat est plaisant, même si je me demande ce que ça aurait donné avec un bpm + élevé.
On ressent encore un côté blues fort appuyé, alors qu’on se passe cette fois de la facilité du riff de guitare bouclé, bien joué.
Happens all the time est par contre le seul morceau dont l’écoute ne m’est pas vraiment plaisante actuellement (déjà abordé + haut).
Mon coup de cœur n°1 est pour le moment Broken, même s’il ne fait pas l’unanimité ici. Je m’étonne de l’aimer à ce point vu son refrain très pop mais il dégage une certaine noirceur, une mélancolie qui fait écho chez moi. Il me fait le même effet que Nothing’s impossible à l’époque. Je trouve que ce morceau a beaucoup de « classe ».
Quand je l’ai dans les oreilles, il transcende tout ce que j’entreprends. Je me la pète grave tant je trouve que j’ai la classe d’écouter un truc pareil… Si je me ballade en l’écoutant, je trouve que ma démarche a trop la classe et mérite d’être filmée. Si je l’écoute dans la voiture, je me dis « waa, j’ai trop la classe quand je conduis ». Si je cuisine, je me dis « waa, mon plat va avoir trop la classe ». Merci Broken !
Toujours dans ce registre mélancolique, sombre et classieux, all that’s mine fait mouche et n’a le reproche que d’être trop court.
Au final, une cohérence globale indiscutable et un disque d’ambiance réussi. Ca fait bien longtemps que je n’avais pas ressenti une telle immersion dans un disque. Même si ce n’est pas le cas qualitativement, c’est à ce point de vue peut-être le meilleur album que Depeche Mode n’ait jamais fait.
Un voyage itinérant entre l’expérimentation et la maîtrise, le numérique et la chaleur… Depeche mode n’est définitivement pas un simple groupe pop.