L'album Wixiw s'ouvre sur The Exact Colour of Doubt, un morceau électronique apaisé. Ce choix semble étonnant, Liars avait plutôt pris l'habitude de clôturer ses albums par des morceaux calmes. D'entrée de jeu, les américains semblent nous dire qu'ils vont chambouler encore plus que d'habitude leur musique. Pas de rupture avec leurs précédents disques, ils tentent juste quelque chose de complétement différent avec Wixiw. Pour cette lente introduction (« pour une fois j'ai vraiment essayé d'écrire une introduction de l'album » dit Angus Andrew), Liars lorgne tout de suite vers l'électronique. Les pads remplacent la batterie, la basse est fondue dans des nappes synthétiques et la guitare raisonne de façon très lointaine. Cette intro électronique nous rappelle que Daniel Miller est co-producteur de Wixiw avec le groupe. Mais comment s'est passée la collaboration entre les new yorkais et le londonien ? Concrètement, Liars n'a jamais été aussi électronique que sur cet album, et c'est pourquoi ils voulaient que Daniel Miller soit associé à cette aventure.
Ce que n'avait pas prévu Liars, c'est le poids du mastodonte Miller dans la confection d'un disque électronique. Vétéran pionnier du « do it yourself » electro à la fin des années 70, Miller est plus que jamais une référence impliquée dans la musique électronique, que ce soit en tant que producteur de disque, en patron de maison de disque ou en DJ à la Shitparade de Berlin. Andrew : « Nous étions des bleus dans l'électronique, c'est pourquoi nous avons proposé à Daniel de venir, pour avoir son point de vue. Son travail nous a vraiment mis en danger, je n'avais pas anticipé son côté critique, il a passé en revue tous les sons électroniques sur l'album, il a des références historiques sur le moindre trucs, il m'a plongé dans tellement de choses que j'ai trouvé ça assez éprouvant. »
Complainte éléctro, oiseaux, cris et autres bruits
Octagon qui succède à The Exact Colour of Doubt est une complainte électro tribale qui contredit le vœux amoureux initial, la rupture est déjà consommée ou presque. Cette dualité désir - peur d'être proche de quelqu'un se retrouve tout au long de Wixiw et parfois à l'intérieur d'un même morceau. Number One Against the Rush, le premier single de Wixiw et A Ring On Every Finger enfoncent le clou de l'expérimentation électronique. Puis pour la première fois de l'album, un riff de guitare est très clairement identifiable - bien que parasité par des oiseaux, cris et autres bruits - sur Ill Valley Prodigies, une courte pose de deux minutes. Ce titre est aussi un exercice de style pour Angus Andrew qui s'est amusé à enregistrer les sons de son voisinage dans la San Fernando Valley (Burbank, Los Angeles). « Je vis dans un quartier plutôt violent de LA, il se passe toujours quelque chose, on entend aussi des oiseaux et plein d'autres trucs bizarres ».
De gauche à droite, de droite à gauche
Wixiw (on prononcera Wish You pour faire simple) est le sixième morceau de Wixiw. C'est un titre complexe bourré claviers analogiques qu'on peut considéré comme le cœur de l'album. Là encore, les paroles semblent contradictoires, la musique semble dérailler et carrément s'arrêter au bout de deux minutes... pour mieux repartir dans une autre direction. Des phrases comme "I wish you were here with me / I wish you would not come back to me" nous ramène à la dualité évoquée plus tôt. Wixiw est donc un palindrome, une figure de style qu'on peut lire de gauche à droite ou de droite à gauche. Passée la parenthèse amnési(a)que minimale His and Mine Sensations, on arrive à Flood to Flood, un des premiers morceaux écrit pour cet album. Cette balade analogique aux accents indiens est un des rares titres de Wixiw ou la batterie n'est pas électronique. Morceau envoutant mais très difficile à réalisé si on en croit le groupe. « Le mix fut très difficile, sans doute le plus difficile de tous les morceaux car il y a tant de choses sur ce titre. Quelqu'un comme Daniel peut se montrer très critique, mais on s'en est plutôt bien sorti sur ce coup et j'en suis très fier » lâche Angus Andrew. Suit Who is the hunter qui part d'une basse très simple pour se transformer en morceau purement électronique et Brats à la basse éléctro dance sur fond de synthé et de voix grasse à souhait. Les Liars qui ont enregistré une soixantaine (!!!) de titres pour Wixiw ont décidé de garder Brats, morceau raccourci par rapport à la première version. "The option's ours" dit le refrain. Annual Moon Words vient clôturer le disque dans un style très « ce n'est qu'un au revoir ».
Ce sixième album de Liars tient donc ses promesses. Une fois de plus, le groupe nous déroute en se remettant en cause et ne choisissant pas de recracher une formule préétablie. Cette philosophie fait de Liars un des groupes les plus intéressants de Mute Records. Ils seront sur scène à la grande halle de la Villette lors du Pitchfork Festival Paris en novembre 2012.