Al Spx

Enfant, Al Spx grandit en s'ennuyant dans une banlieue de Toronto. « C'est juste une banlieue », explique-t-elle. « Les gens sont gentils, mais il n'y a rien à faire. » Issue d'une famille de sept enfants, elle s'essaye solitairement à la guitare, au saxophone et au chant pour tromper son ennui. Jonglant entre l'université et des petits boulots aussi divers que pénibles (vendeuse de couteaux, opératrice de call center, employée d'une boucherie industrielle), elle commence à donner des concerts avec un ami sous le nom de Basket of Figs. Le succès sur ces petites scènes de cafés n'est pas vraiment au rendez-vous. Hésitante en live, elle grave quelques titres sur des CD distribués à ses proches. L'un d'eux arrive chez son ami Noël Anderson qui vit à Londres. Son frère, Jim Anderson, producteur, est tout de suite interpellé par la voix et l'originalité de Al Spx. Jim Anderson insiste pour que Al vienne enregistrer avec lui en Angleterre. Al Spx quitte donc le Canada pour Londres. Le duo recrute Rob Ellis (PJ Harvey, Anna Calvi, Martina Topley-Bird, Marianne Faithfull) et un groupe est formé. Si le processus d'écriture de I Predict a Graceful Expulsion a duré deux ans, l'album sera enregistré en 12 jours en 2011 dans deux studios de Londres et du Pays de Galles. Al Spx va essaimer des morceaux sur Internet pour tâter le terrain. « J'utilise le terme de doom soul pour décrire ma musique aux gens, explique-t-elle. Visiblement, ça leur parle. » Sauf en France ou le Point Ephémère, lieu de son premier concert hexagonal le lundi 8 octobre 2012, n'a pas hésité à sous-titré Cold Specks « Pop Soul » sur le programme papier. Al Spx s'en amuse, elle qui décrit I Predict a Graceful Expulsion comme étant « fucking dark as shit ».

Signature chez Mute

La carrière de Cold Specks va s'accélérer fin 2011, surtout au moment de la sortie du titre Holland. Spx a attiré l'attention de l'émission de la BBC, Later… With Jools Holland, et fait ses débuts à la télé dans des circonstances difficiles. « J'étais venue à New York pour le festival CMJ. J'ai perdu mon passeport et mon visa la veille de mon retour, mon ampli vintage a été détruit pendant le voyage et j'avais d'horribles quintes de toux. On m'a collé au centre de la scène... Pete Townshend et Mary J Blige derrière moi, My Morning Jacket d'un côté, Brett Anderson de Suede de l'autre. J'étais morte de trouille. » Des maisons de disques se montrent rapidement intéressées mais c'est Mute qui va signer Cold Specks et son premier album. Même si la canadienne rencontre plusieurs professionnels de l'industrie musicale dont plusieurs crétins pour la forme, Mute lui a dès le début tapé dans l'œil et la décision de rejoindre le label londonien ne fait aucun doute. « Je crois que sans maison de disque, c'est encore dur de percer aujourd'hui. Mute, c'est une équipe vraiment merveilleuse, tout le monde dans le label est passionné par la musique sans compter qu'ils ont fait leur preuve avec des gens comme Nick Cave, Josh T Pearson... l'effectif de Mute parle de lui-même... et les gens qui travaillent dans la maison de disque sont vraiment très gentils, il favorisent la créativité et ne stressent absolument pas leurs artistes ».

Adolescence torturée, amour, folie

Cold SpecksEt souvent les disques muets sont très sombres. « Il n'y a rien de joyeux sur cet album. Je n'écris pas de chansons pop, je ne suis pas une personne très joviale ». The Mark qui ouvre I Predict a Graceful Expulsion est un morceau grave qui donne le ton : Une marque laissée sur la peau, un bon père et de la mauvaise graine. Le décor d'une adolescence torturée est planté. « Je crois que cet album parle des difficultés de grandir. » Le second morceau, Heavy Hands joue dans le même registre: Écrit dans l'isolement d'un appartement londonien où Al, déracinée, a trouvé refuge, il est le fruit d'un ennui et d'un cafard certain saupoudré de haricots en boîte pour toute nourriture. Winter Solstice, troisième morceau de l'album, est une des chansons les plus anciennes de l'album. Elle raconte l'histoire d'un pacte que Al enfant avait passé avec un garçon. Le morceau est accompagné par deux chœurs, le London Community Gospel Choir et le Porthcawl Male Voice Choir. When the City Lights Dim est une complainte écrite avec le guitariste du groupe. Les paroles et la mélodie étaient là depuis le début mais c'est avec l'aide de Pete Roberts que cette lamentation a pu prendre forme. Hector, l'ami d'enfance imaginaire, et Holland, l'histoire d'une famille, d'une crise de foi et d'une petite fille, clôturent la face A de I Predict a Graceful Expulsion. La face B, Elephant Head est un morceau important qui a atterri un peu par hasard sur le disque. Al avait pris l'habitude de répéter cette chanson pendant l'enregistrement du single « Blank Maps » sans savoir que Jim Anderson l'enregistrait. C'est d'ailleurs le « I Predict a Graceful Expulsion » crié sur Elephant Head qui donne son nom à l'album. Send Your Youth, qui suit, fut un morceau très long à développer. Il a fallu deux ans pour écrire ces presque trois minutes qui, au final, se trouvent être le titre favori de Al Spx sur le disque. Blank Maps est un titre écrit dans l'urgence. Jim Anderson s'inquiétait que la setlist des concerts soit trop courte. Une heure plus tard, Al Spx, qui écrit ponctuellement, lui envoyait la démo de Blank Maps. Steady, un morceau sur l'amour et la folie, renferme un des temps forts de l'album qu'on doit à Terry Edwards au saxophone.

L'album se termine avec Lay Me Down, la première chanson écrite par Al. Simple et triste, c'est aussi le morceau le plus personnel de Al. A tel point qu'elle a longtemps refusé de l'inclure sur l'album, que les paroles ne figurent pas dans le superbe livret qui accompagne le 33 tours et qu'elle refuse désormais de jouer en live ce titre.