C’est à Daniel Miller qu’on doit la naissance de Mute. A la fin des années 70, cet anglais, qui parcourait alors l’Europe, revient à Londres, ville vigoureusement secouée par l’émergence du mouvement punk. Une nouvelle scène bourrée d’énergie explose et change le paysage musical de la capitale anglaise : La mode est au Do It Yourself, et Miller, bien que peu intéressé par le son du punk, admire ce côté débrouillard, fait avec les moyens du bord, qui permet à des inconnus de devenir des musiciens et de parfois trouver un public.

MuteLe punk permet à Daniel Miller de franchir le pas, de faire quelques heures sup’ pour s’acheter un clavier d’occasion (un Korg) et d’enregistrer dans une chambre de bonne son 45 tours TVOD / Warm Leatherette. Pour le jeune apprenti sorcier qui a pris le pseudo « The Normal », c’est déjà une fin en soit d’arriver à presser ce disque, mais il va trouver en Rough Trade la possibilité de diffuser efficacement son bébé. A sa surprise, le disque s’écoule bien par l’intermédiaire des magasins Rough Trade et certains magazines de presse spécialisée assurent un succès d’estime à cette aventure. Dès lors, Daniel Miller, qui est tout seul à bord du vaisseau Mute, se trouve catapulté comme le responsable de Mute, un label qui n’existe pas : les groupes envoient démos, disques et lettres de motivation au 16 Decoy Avenue, adresse perso imprimée au verso de son premier et dernier single. Le jeune Miller, qui n’avait pas vraiment envisagé de suite à son aventure, va se trouver très rapidement entraîné dans de nouveaux projets. Rough Trade le motive pour sortir des reprises de standards du rock qu’il s’amusait à exécuter pour s’entraîner en parallèle de son 45 tours. Une fois de plus, Daniel Miller n’assume pas vraiment son statut d’auteur compositeur et se cache derrière un nouveau pseudo : Les Silicon Teens, un groupe d’ados qui reprennent des classiques du rock comme Memphis à Tennessee ou Just like Eddy à la sauce électronique. Parallèlement à cette blague de potache, Daniel Miller rencontre Frank Tovey, un jeune artiste londonien qui va fonder rapidement Fad Gadget. Le crucial Back to Nature sera le premier single enregistré par un autre artiste que Daniel Miller pour Mute Records.

Les concerts de Fad Gadget, parfois affublé du sobriquet de Iggy Pop de l’électro, sont souvent épiques mais c’est pour une fois la première partie qui va scotcher Daniel Miller : Quatre jeunes banlieusards coincés derrière leurs claviers lui font une forte impression. Même si la composition du son de Depeche Mode est encore très incertaine, Daniel Miller voit en eux un véritable potentiel et décidera de les signer (la poignée de main faisant office de signature) sur Mute. Dès 1981, sort Speak & Spell, premier album de Depeche Mode, qui porte la marque de son parolier en titre Vince Clarke. Celui-ci plie les gaules très rapidement. Daniel Miller ne panique pas mais bosse en sous-main pour que l’aventure Depeche Mode continue. Parallèlement, il garde Clarke dans l’écurie Mute, bien lui en prend car de nombreux projets à succès (Yazoo, The Assembly, Erasure) seront au rendez-vous. DM bien aidé par DM continue son développement dans les années 80 avec A Broken Frame (1982), Construction Time Again (1983), Some Great Reward et ses tubes en 1984, et Black Celebration qui est le dernier album co produit par Daniel Miller. Le groupe trouve cette année-là son premier classique indémodable et Miller peut laisser les quatre mousquetaires (qui étaient 5, donc) voler très haut de leurs propres ailes. L’apport de Depeche Mode à Mute est inestimable car, à côté de sa créativité, le groupe a permis au label de trouver une assise financière importante, gage de stabilité et Daniel Miller a pu signer des artistes très variés au fil des ans : Yazoo, Erasure, The Birthday Party puis Nick Cave and the bad seeds, D.A.F., Boyd Rice, Die Doraus und Die Marina, Fred von Jupiter, Non, Liaisons Dangereuses, Robert Rental, Einstürzende Neubauten, Duet Emmo. Ce sont ces groupes et d’autres que nous vous proposons de retrouver sur ces pages.