Roland Jupiter 8Trois ans après le relatif flop du Jupiter 4, Roland décide de remettre le couvert en 1981 avec le Jupiter 8. Comme dans beaucoup de domaines à l'époque, les japonais étudient ce qui se fait dans la concurrence (ici presque 100% américaine), copient ce qu'il y a de mieux et rajoutent deux ou trois gadgets pour faire prendre la mayonnaise. A l'époque, le Prophet 5 règne en maître, et Oberheim propose des synthés pour le moins costauds. A côté, les Japonais font désordres : entre les monstrueux PS-3100, 3200 et 3300 de Korg (biens mais très chers et pas très fiables) et leur Polysix (beaucoup de succès, mais assez light par rapport aux américains ...).

Le Jupiter 8 sera le déclic qui va transformer la petite société Roland en multinationale : “We design the future”. Et effectivement, le JP8 est impressionnant : d'abord son look tranche pour l'époque. Contrairement à son grand frère JP4, il rompt avec l'aspect bois et métal pour adopter un look aluminium coloré, led et afficheur digital. Dur de le rater dans un set de l'époque. Evidemment, il y a aussi l'architecture sonore. D'abord avec 16 oscillos, on ne peut qu'avoir beaucoup de possibilités. Et effectivement, on peut gérer les deux oscillos par voies à sa guise : le deuxième peut être détuné, faire office de “noise-generator”, voir carrément devenir un autre LFO en le poussant dans ses derniers retranchements. Par ailleurs, le Jupiter 8 possède des caractéristiques propres à l'innovation japonaise : l'arpégiateur (rendu célèbre par Duran Duran et son morceau “Rio” par exemple) est un des meilleurs jamais produits, avec une mémoire de l'ordre des touches, et un ordre au choix : avant, arrière, avant et arrière et surtout le très créatif “Random”.

Il y a aussi cet effet de portamento polyphonique qui donne des effets impressionnants sur un pad ou des nappes. Le moteur du JP8 est un Z80 qui déchire à 4Mhz, comme le bon vieux ZX81. Cependant, ce microprocesseur permet déjà de garder en mémoire 64 sons (patchs) et 8 mémoires de “scènes”. En effet, le JP8 permet de splitter le clavier, et donc de profiter de deux sons en même temps ! Révolutionnaire pour l'époque, et surtout bien pratique pour la scène. De plus, les mémoires sont de vraies mémoires, pas des approximations comme sur les synthés américains dont le transfert de sons d'une machine à une autre occasionnait souvent des problèmes de compatibilité (problème de tensions différentes entre deux machines, etc.).

Tout cela concourt à faire du JP8 un synthé original : capable de faire de gros sons de basses (grâce notamment à ses attaques très rapides, comparables à celles d'un Prophet 5), comme des nappes aériennes et fluides. En fait, contrairement aux synthés américains de l'époque qui s'imposent dans un mix, le Jupiter 8 sait se faire le synthé idéal d'accompagnement et de soutien. Du coup, la “planète synthé” entière l'a utilisé et il reste un modèle de choix pour tout collectionneur ou passionné de sonorités analogiques. Le début du succès pour Roland ...

Utilisé aussi, entre autres, par Blur, 808 State, Alphaville, Yello, Dave Clayton, Cocteau Twins, Colourbox, OMD, Devo, Electribe 101, Human League, J.M. Jarre, Level 42, Blancmange, Simple Minds, Meat Beat Manifesto, Moby, Orbital, The Prodigy, Duran Duran, Pet Shop Boys, The Cure, Talk Talk, Tangerine Dream, Tears for Fears, Michael Jackson (Thriller), Ultravox et Tony Visconti.