A l'instar d'une Marianne Faithfull ou d'un Lou Reed, PJ Harvey est une conteuse. Peu importe l'émotion qu'elle fait passer par ses morceaux, elle raconte une histoire, transporte l'auditeur dans une tranche de vie, ses interprétations étant tellement habitées que l'on croit à chaque fois que c'est autobiographique, et c'est la principale intéressée qui nous confirme ou nous infirme cela dans les interviews. Chaque album a une ambiance bien particulière, toute différente. Si les premiers étaient dénonciateurs d'un mal-être, l'avant dernier, “Stories from the city, stories from the sea” était beaucoup plus positif. Polly Jean se serait-elle apaisée avec l'âge ? Si l'on en prend pour preuve le dernier album à l'énigmatique titre, “Uh huh her”, on peut affirmer que non. Il s'agit même ici d'un véritable retour aux sources au niveau “colèromètre”.
La belle a manifestement décidé de prendre le précédent album à contre-pied. Il y a cinq ans, on avait quitté une PJ Harvey pleine d'espoir, parlant de la complexité de l'amour tout en le célébrant. Aujourd'hui, nous la retrouvons rebelle, dissertant sur les difficultés sentimentales, les ruptures et les trahisons. Ces thèmes sont portés par un mélange rock-blues aux mélodies sombres et aux guitares vengeresses. Dans la pure tradition blues, elle incarne des personnages dont elle raconte un moment de vie et va jusqu'à transformer sa voix pour servir l'interprétation. En effet, une véritable métamorphose vocale s'opère entre deux morceaux successifs : dans “Pocket knife”, morceau où plane l'ombre de Patti Smith, sa voix est frêle comme celle de la jeune fille dont elle conte la rébellion. Alors que dans “The letter”, le single accrocheur et agressif, elle a la voix affirmée et dure d'une femme qui a vécu. Depuis ses premiers album de jeune fille énervée, comme “Dry”, on n'avait pas entendu une PJ Harvey aussi enragée, pleine d'une colère qu'elle crache littéralement dans “Who the fuck ?”. Cependant, l'album s'achève sur une touche d'espoir avec ses chants de mouettes et l'expression des rêves et souhaits. Cet album, même s'il exploite le même genre d'émotions que les oeuvres de jeunesse de Miss Harvey, apparaît comme beaucoup plus abouti et introspectif que les précédents. Elle joue de plus en plus avec sa voix et arrive à imposer son blues personnel et presque littéraire. Un album à écouter en regardant les autoportraits qui garnissent le livret. Comme dans sa musique, les photos ne cherchent pas à l'embellir, juste à saisir l'authenticité de ses émotions. Exemplaire.