Lays : De l’anglais, court poème lyrique récité ou chanté par un ménestrel.
Le livre Lays regroupe 87 textes écrits par Martin Gore pour Depeche Mode et qui sont, pour l’essentiel, traduits en français par Jugurtha Harchaoui. Cette initiative réjouissante semble assez anachronique en 2009, époque où l’on trouve un peu tout et souvent n’importe quoi sur le web. Ce livre de traduction intéressant a également le mérite de nous remémorer une époque pas si lointaine que cela où l’on écoutait son disque seul dans son coin, booklet dans la main gauche et dictionnaire dans la main droite en essayant maladroitement de déchiffrer un hypothétique message.
Lays permet au passage de tuer certaines interprétations : les fans de Depeche Mode qui voulaient absolument voir en Black Celebration une messe noire en seront pour leurs frais. On regrettera simplement que dans une minorité de cas (Insight, Home, Only When I lose Myself, Dream On, Sister of Night, Surrender), la version française soit carrément passée à l’as. Ces traductions sont en effet remplacées par des illustrations pas vraiment indispensables de l’oncle Martin (© Gérard Bar-David qui signe la préface du livre) dessinées par Klaus Voorman.
Un parolier génial ?
Pour le reste, le livre pose également indirectement la question du talent de Martin Gore : abusivement surnommé « un des songwriters les plus doués de sa génération » par son fan-club à longueur de discussions, son talent d’écrivain n’apparaît vraiment que sur certains textes voire certaines lignes bien précises. On se souvient d’Alan Wilder qui soulignait le génie des paroles de Never Let Me Down Again. Car écrire des textes n’a jamais été le job à plein temps de Gore. Il n’était que le second de Clarke et a dû prendre son relais à la surprise générale. Et il n’a pas été seulement bombardé parolier en chef, il lui a également fallu composer des mélodies qui tenaient la route et participer activement au processus d’enregistrement. C’est sans doute une des différences flagrantes entre les vrais paroliers géniaux comme Morrissey, qui pouvait se délester sur Marr pour se concentrer sur les paroles fracassantes des Smiths. Cela n’enlève rien à Martin Gore qui a su s’en sortir très dignement au fil des années, cela démontre simplement que Depeche Mode est bien l’assemblage d’une somme d’individus et que la solution était collective.
Lays – 23 euros – 194 pages - Sortie avril 2009
Textes de Martin L. Gore, traduits par Jugurtha Harchaoui
www.lays-livre.com
Editions Normand
13 réactions
1 De LittleSoul - 30/03/2009, 00:40
Comment peut-on tenir un site de "fan club" dévoué à Depeche Mode et ensuite, dans la même foulée, médire publiquement sur le prétendu manque de génie de l'auteur-compositeur de l'immense majorité de l'oeuvre de ce même groupe... Qu'est-ce qu'y faut pas entendre de nos jours quand même... Facile de cracher dans la soupe... Il faut savoir rester zen, je resterai zen... Si Monsieur Steven Patrick Morrissey est si génial, il faut lui consacrer un site à lui, et laisser DM tranquille...
2 De jb - 30/03/2009, 09:09
LittleSoul, tout d'abord ce site n'est pas un site de "fan club" dévoué à DM, c'est un site de discussion sur le groupe, sur Mute et les années 80 et tous les avis construits sont les bienvenus. D'autre part, je ne crache pas dans la soupe, je pense que les paroles de Gore fonctionnent dans la plupart des cas. Mais je ne le trouve pas géniales. De même ses compos et mélodies sont globalement bonnes mais je ne les trouve pas géniales. La voix de Gahan n'est pas non plus (selon moi) la plus belle voix des années 80.
Mais quand on assemble le tout, il y a une sorte d'alchimie qui fonctionne parfaitement et certains disques sont fantastiques. Tel est mon propos et j'y crois dur comme fer : Depeche Mode est une somme d'individus lambdas qui ensemble peuvent être fantastiques et qui ont influencé des courants de la musique pop rock électro et au delà. Mais ils l'ont fait ensemble, collectivement. Si on isole tel ou tel élément, il n'y a rien de vraiment transcendant. C'est le petit miracle de Depeche Mode, des gars que rien ne destinait à devenir ce qu'ils sont devenus.
3 De mart1n - 30/03/2009, 15:53
Je suis assez d'accord avec l'orientation du premier commentaire (même si je serais bien plus nuancé) dans le sens où il est un peu facile de "cracher dans la soupe" (même si c'est excessif) et sous couvert de vouloir être objectif, vouloir à tous prix, paradoxalement, décrier. Ce n'est pas une obligation (!) et en ce sens l'article manque peut-être de subtilité. Le problème de l'article (autant que du commentaire de JB qui ne fait qu'enfoncer le clou) est plutôt le côté "avis personnel" plutôt qu'objectif. La comparaison avec Morrissey me semble bien malvenue par exemple (on ne compare pas des lessives ! Société de consommation quand tu nous tiens... Même si un "ce bouquin est génial" aurait eu le même effet, je l'accorde). Mais on aurait préféré un avis sur la qualité des traductions. Car, les textes de Martin sont parfois (souvent) lié à une métaphore, une parabole (au sens litérraire), une expérience, ou une atmosphère (et c'est là seulement que je rejoins un peu l'article)... Ca prend ou ça ne prend pas... Tout dépend de la sensibilté et de la réceptivité de chacun. Martin a quand-même le génie de rendre certaines choses universelles, dans le sens où beaucoup ont l'impression que l'on raconte telle ou telle chose qu'ils ont vécu dans leur vie personnelle. Je suis donc aussi plus nuancé sur le côté "Martin n'est rien sans DM" (ma paraphrase du commentaire ci-dessus est exagérée, je sais). Car, si certains textes sont dispensables, certaines phrases de Martin, sont pour moi, géniales, oui. Et il y a de nombreux exemples dans les signatures du forum. Pour rester objectif, je dirais quand-même merci d'avoir souligné que Martin est presque devenu parolier par obligation. Et pour refermer et résumer le tout, je dirais que la question "Un parolier génial ?" n'est peut-être pas la bonne, mais "Gore peut-il être traduit ?" (en gardant tout son sens) ? Cet article ne nous dit pas si l'exercice a (en ce sens) été réussi par le livre. Dommage. Je me ferais ma propre idée...
4 De jb - 30/03/2009, 23:26
Merci d'avoir pris le temps de réagir mart1n. Tout d'abord désolé de n'avoir été que sommaire dans ma critique de Lays, j'étofferais peut-être cet article après avoir relut le livre à tête reposée. Pour d'autres avis, je te renvoie à la discussion sur le forum, il y a plusieurs échos (5 pages à ce jour) sur le sujet Lays à ce jour : http://www.frenchviolation.com/cgi-...
Mon but n'était pas de dire que Morrissey était supérieur à Gore en tant qu'écrivain, ça n'a pas de sens. Je voulais juste signaler que le Smith avait pu s'appuyer pendant sa carrière sur des musiciens géniaux (Marr, Stephen Street) qui lui ont mâché le travail en terme de mélodie et qu'il a pu se concentrer sur ses textes. Ce luxe, Gore ne l'a jamais vraiment eu, devenu parolier en chef par la force des choses car il a aussi été mélodiste en chef, bidouilleur en chef, fêtard en chef pendant des années. Car il faut garder à l'esprit que Depeche Mode est issu du mouvement do it yourself, des gens pas spécialement doués à la base mais qui ont révolutionné un bout de musique anglaise. Pour moi ce n'est pas une insulte de dire que Gore n'est pas un songwriter de génie, c'est un débrouillard qui a su s'en sortir parfaitement et a finalement créé une œuvre originale.
Pour revenir au livre, il a le mérite d'exister et d'être dans son style assez original. Souvenons-nous (pas) des tentatives complètement loupées de traduction dans des mags / bouquins passés... c'était assez embarrassant. Là il y a un vrai travail professionnel de traducteur et on sent que l'auteur aime passionnément son sujet ce qui ne gate rien.
5 De mart1n - 31/03/2009, 10:16
Merci pour ton commentaire JB, que je comprends mieux effectivement. Le génie de Martin est pour moi dans 2 choses : certaines phrases qui peuvent vraiment devenir facilement des "crédos", et le fait de pouvoir vraiment transposer beaucoup de textes à notre propre vie. Comme je l'ai dit, certaines choses sont dispensables mais j'avoue que quand je découvre un texte de Martin, c'est justement dans ces 2 points là que je verrais s'il fait "mouche" ou pas. Quant à l'exercice de traduction, pour avoir essayé de m'y être plier moi aussi avec sérieux, je sais combien la tâche est difficile, oui... D'où ma question sur le sujet. Merci d'y avoir répondu.
6 De Fredbong - 01/04/2009, 12:49
en tous cas il fait parler de lui.
et il vend quelques albums et a quelques millions de fans.
7 De Oliv - 03/04/2009, 00:23
En tant que "passionné de musiques" et "admirateur" de DM, il est bon de savoir être "critique", C'est-à-dire reconnaître les qualités et les défauts d'un ou plusieurs musiciens, de ces collaborateurs, de ces choix artistiques... Par ces propos, je rends hommage à JB et à ce site, sans cirage de pompes, qui n'a rien d'une vulgaire page de pub, mais qui sait informer en toute franchise. RESPECT. C'est vrai, que serait DM s'il n'avait pas croisé Daniel MILLER, travaillé avec FLOOD, CORBIJN...On peut apprécier, adorer un groupe...(j'aime aussi les SMITHS) mais peut-être pas accepter tout et n'importe quoi, c'est aussi une question d'ouverture! Quand je lis une critique, je me dis aussi que c'est simplement l'avis d'une personne. C'est plutôt rassurant de savoir qu'on ne ressent pas tous la même chose en écoutant un disque, en lisant un livre...et si toute la planète écoutait DM!? ça serait flippant! NON? J'attends maintenant les réactions à la sortie du nouvel album! On va rire, ou pleurer!? musicalement OLIV
8 De LittleSoul - 08/04/2009, 19:06
Afin de répondre à Oliv, je voudrais dire ici que je suis à 110% d'accord avec son paragraphe. Si une critique (négative ou positive) est argumentée, eh bien c'est un signe de vie, c'est la preuve qu'on a encore un esprit, hmm, ben critique justement. Mais des critiques (négatives ou positives) péremptoire et non argumentées comme celles de J-B ci-dessus -- surtout dans le cadre d'un site dédié à DM (last time I checked, le mot "Violation" vient directement de la tournée 1990 de DM) -- me frustrent, c'est la vérité. Par exemple : Pourquoi est-ce que les paroles des Smiths sont-elles considérées comme étant géniales depuis 1 an ici en France, et non celles de Gore ? Une illustration p-ê ? Un exemple ? Un raisonnement ? Non ; rien du tout ? Un peu décevant je trouve, non ? Est-ce parce que les Smiths ont eu la politesse de disparaître et que DM & Jonathan Kessler travaillent encore à nous alléger notre portefeuille ? Est-ce la raison ? Moi aussi, je peux me mettre à dire des choses comme : "Verlaine c'est pas mal, mais bon c'est un peu trop surévalué par rapport à ce que c'est dans le fond. Alors que Charles Cros, ça c'est vraiment du génie. Surtout sur la fin de sa carrière ; sauf p-ê dans certains poèmes où c'est pas toujours ultra-lumineux. Sauf que quoique ; parfois c'est pas mal du tout en fait, par certains endroits." Vous voyez ce que je veux dire ? En tout cas, moi en bon fan bien boeuf de DM je suis extraordinairement fier qu'une retrospective nous parvienne sous la forme d'un livre apparemment préparé avec soin. Ni Radiohead, ni U2, ni The Smiths n'ont eu droit à ce traitement encore. Les paroles de The Cure ont été publiées par Omnibus Press en 1990 je crois pour immédiatement disparaître, sans que personne ne soit au courant (et c'était Robert Smith lui-même qui s'était battu pour que ça se fasse). Le club est bien restreint (Joni Mitchell, Dylan, Hendrix, Cohen, etc.).
9 De jb - 08/04/2009, 23:16
Littlesoul, je le répète : Pour moi un gars comme Morrissey a pu se concentrer pleinement à l'écriture de ses textes alors qu'un Gore qui s'y est mis par obligation. Donc oui, je trouve l'écriture de Morrissey plus large (plus d'humour, de plagiats, de références, de provocations, de thèmes abordés mais ce ne ne sont que mes goûts et mon avis personnel) que le sobre Gore. ça n'enlève rien à la carrière de ce dernier, qu'il ne faut pas réduire à celle d'un simple parolier alors qu'il écrit aussi l'essentiel de la musique de Depeche Mode et travaille avec d'autres à son arrangement. ça ne veut pas dire non plus que The Smiths > Depeche Mode. Deux grands groupes indépendants qui sont peut-être la quintessence des années 80, mais on peut en discuter pendant 107 ans.
10 De iata - 19/04/2009, 10:02
Peut-être devriez-vous lire cet article en anglais et français :
http://www.depechemode-sleeves.com/...
Que je trouve plutôt juste.
11 De Sioux - 10/07/2009, 01:11
On dit : Qui aime bien châtie bien.
Il est sain d'avoir l'esprit critique, de ne pas angéliser, et pouvoir exprimer son opinion même si elle ne va pas dans le sens du poil est une liberté fondamentale.
12 De Sophie - 25/07/2009, 03:28
Je l'ai lu. Et je suis d'accord avec JB.
Derrière une présentation séduisante (beau papier), ce livre manque d'exigence.
Les dessins sont inutiles, voire pas terribles du tout : ça fait remplissage.
La maquette (dans l'intro) manque de rigueur (césures choquantes) et les traductions d'Harchaoui aussi (choix des mots contestables et phrases souvent bancales).
Quant aux textes en eux-mêmes, ce ne sont pas des "poèmes"... Même si certains sont bluffants de simplicité et d'efficacité, touchant à la beauté. Martin Gore a écrit de (très) jolies chansons qui expriment - avec une certaine redondance - ses obsessions et ses contradictions, somme toutes plutôt banales chez la gent masculine. Les scruter à ce point m'a, au final, permis de le démystifier.
13 De Shine - 27/10/2009, 15:25
Je trouve le bouquin cher par rapport au contenu même si je reconnais le travail effectué sur les traductions.