Qui est Jérôme Bosch ?
Jérôme Bosch, qui s’appelait en réalité Jérôme Van Aeken et qui signait ses œuvres sous le nom de Jheronimus Bosch, est un peintre néerlandais qui exerça son art à la fin du XVème siècle et au début du XVIème. A l’image de la peinture de son époque, les peintures de Bosch ont des thèmes religieux. Mais, la spécificité de Bosch est qu’il propose une représentation très personnelle des passages de la Bible.

Les peintures de Bosch
Tableau de Jheronimus BoschLes tableaux les plus célèbres de Bosch et les plus représentatifs de son art et de son originalité sont « Le Jugement dernier » et son triptyque « Le Jardin des délices ». Ces œuvres sont très marquées par les représentations du bien, du paradis, du mal, du vice, de la douleur, de la souffrance, propres aux préoccupations médiévales de son temps. Mais la façon dont il les expose aux yeux du public est assez inédite. Dans un même tableau, la nudité peut être porteuse de pureté ou la traduction de la perversion des hommes. De même, les travaux de Bosch sont connus pour leurs représentations de figures monstrueuses construites à partir de gravures de bestiaires du Moyen Age. Ces créatures représentent les peurs contemporaines de Bosch telle que la crainte du démon qui était très présente avant la Réforme. Elles sont des êtres hybrides mi-insectes, mi-reptiles, mi-humaines et mi-machines. Ces figures, à forte teneur symbolique, vont forcément inspirer Corbijn.

Bosch/Corbijn : quand l’élève pille le maître
Tableau de Jheronimus BoschPlus on tente de comparer le clip de « Walking in my shoes » et les tableaux de Bosch et plus on se rend compte que chaque plan de Corbijn est profondément imprégné des influences de son illustre ancêtre, des influences qu’il a ingurgitées, digérées avant de les livrer sous la forme d’une illustration parfaitement cohérente de la chanson de Martin Gore. Dès les premières images du clip, Corbjin affiche ses ambitions et met en lumière Dave Gahan comme dans un portrait, sans omettre les dégradés de couleurs similaires aux coups de pinceaux du peintre. Les premières grandes références du clip à l’œuvre de Bosch sont les créatures mi-hommes, mi-oiseaux. Cette figure est la plus récurrente dans les tableaux du peintre. Elle est une représentation diabolique. Elle tourmente les êtres humains quand elle ne les mange tout simplement pas. Dans le clip de Corbijn, ces êtres-oiseaux déambulant ou glissant sur une patinoire attendent-ils d’emporter un Gahan livrant son ultime plaidoirie ? Il est intéressant de constater que cette image de l’être oiseau est présente, entre autre, dans les tableaux de Bosch intitulés « Le Jugement dernier » ou « L’enfer du musicien ». Tableau de Jheronimus BoschLe lien entre les paroles de « Walking in my shoes » et le choix des tableaux n’est donc pas une coïncidence. L’ombre du château située en arrière-plan du clip est encore tirée de l’imaginaire de Bosch. Ce château d’abord entouré d’un halo bleu devenant de plus en plus rougeoyant au fur et à mesure du clip est un sosie du château en flammes des peintures. Si l’on choisit de donner à cet édifice la même symbolique que dans « Le Jardin des délices », il s’agit de l’enfer qui attend Gahan si son jugement lui est défavorable.

Un même appel à la tolérance
Les deux personnages présents derrière Dave rappellent un élément des peintures de Bosch le plus provocateur et qui lui attira les foudres de ses détracteurs, c’est sa représentation d’un couple mixte : un femme noire et un homme blanc en train de s’embrasser. Les mentalités de son époque étaient alors toutes autres et cette représentation d’un amour jugé contre-nature avait fait scandale. Pour retranscrire cette vision « osée » de Bosch, Corbijn a décidé de l’adapter aux tabous de notre époque et également à un des thèmes principaux de Songs of Faith and Devotion. Il a donc décidé de garder cette image d’un couple multiracial mais il les a habillés d’un vêtement religieux. Cette idée de la tentation de l’amour en dépit des interdits moraux et sociaux est donc commune aux deux hommes. Tableau de Jheronimus BoschLà encore, Corbijn est parfaitement en phase avec les paroles de « Walking in my shoes » qui prônent la tolérance et le dépassement des jugements à l’emporte-pièce. Les autres personnages du clip ne sont également pas là par hasard. Les « gueules », que l’on croirait issues de caricatures, se retrouvent dans « Le portement de croix » de Bosch. Comme ils accompagnaient le Christ vers son funeste dessein chez Bosch, ils entourent Dave Gahan, le Jésus jugé du Rock’n roll. Leurs visages déformés et leurs traits grossiers traduisent leur fièvre de condamnation et leur soif de destruction. De même, Gore, Fletch et Wilder se déforment le visage (en collant leurs visages contre une vitre. Subtil stratagème !) comme pour ressembler aux autres vilains. Ce sont eux qui jugent Gahan de ses fautes et qui le poussent à son expiation. C’est à eux que s’adresse Gahan dans le clip. Il leur demande de ne pas le juger lui et le couple de religieux.

Ce clip de « Walking in my shoes » tient lieu d’ovni dans la carrière de Depeche Mode. Jamais le groupe aura fait un clip aussi stylisé, hors norme que celui-ci. Pourtant, c’est celui qui représente le mieux les thèmes abordés dans le morceau en question et dans l’œuvre de Depeche Mode en général. Il met également à jour les influences culturelles de Corbijn.