DJ ZebraFV : Après des années de dictature techno, tu t'essayes à faire danser les clubbers de Paris sur du rock. Ca marche? On peut vraiment concurrencer Britney et Ricky Machin ?
DJ Zébra : Bien sûr, et pas seulement à Paris. La plupart des gens qui viennent aux soirées rock sont avant tout des amateurs de groupes, de concerts, de disques rock et ils apprécient d'avoir une soirée qui leur correspond. Tous les publics se mélangent, les déçus du tout electronique, les trentenaires nostalgiques, les néo-punk ou néo-new wave. En ce qui me concerne, je suis plus proche de 2 Many DJs et Fatboy Slim que de l'electroclash (qui a plus d'adeptes chez les DJs), mais je trouve ça plus intéressant d'arriver à mixer correctement du vrai rock.

FV : Master and Servant, si tu le passes non remixé, ça veut dire que personne ne dansera dessus? Ce n'est pas un constat d'échec, ça ne veut pas dire que quelque part, le morceau a mal vieilli ?
DJ Zébra : Pas du tout, “Master and servant” est un des morceaux forts de Depeche Mode, qui a bénéficié d'un bon revival ces derniers temps. C'est sans doute sur Depeche Mode que la plupart des DJs qui se mettent à jouer du rock tombent d'accord. Trevor Jackson (Playgroup) avait fait une reprise de “Behind the wheel” récemment, et on voyait quelques clubbers sortir leur t-shirt DM. Je passais déjà ce morceau depuis quelque temps, et j'avais envie de lui donner une nouvelle dimension, pour surprendre les gens, et pour avoir ma propre version. C'est avec ce titre de Radio 4 “Dance to the underground” que le mélange s'effectuait le mieux.

FV : Justement, le remix de Master and Servant (Depeche Mode vs. Radio 4), c'est un bootleg que tu as créé de toute pièce. Comment tu t'y es pris ? Avec quel équipement travailles-tu ?
DJ Zébra : Je réalise la plupart de mes bootlegs sans accapella (contrairement à la plupart des anglais, qui placent du RnB ou du rap sur du rock). Je choisis donc deux morceaux qui ont suffisamment d'espace dans le son, et qui ont des plages intrumentales à sampler. Dans ce cas, “Master and servant” avait un son métallique, où je pouvais dégager les synthés et la voix en l'équalisant dans les aigus, et j'avais la grosse basse et la batterie de Radio 4, qui collaient harmoniquement et rythmiquement avec Depeche Mode. Le tout a été de recomposer un morceau en le produisant pour le dancefloor. J'ai gardé une bonne partie du morceau d'origine, et ensuite j'ai laissé plus de place à Radio 4, pour qu'il y ait une progression dans le son rock. Ce genre de bootleg est stimulant à réaliser, car on ne peut pas savoir à l'avance si ça va fonctionner. Je réalise tout ça sur un simple PC, avec 2 logiciels: Logic Audio et Sound Forge.

FV : L'image de Depeche Mode n'est pas vraiment associée au rock au sens strict du terme. Qu'est ce qui te pousse à remixer Master and Servant ? C'est le côté revival des années 80 qui t'intéresse ou tu as vraiment un intérêt pour ce groupe ? Si oui quel album / quelle période ?
DJ Zébra : J'ai 32 ans, donc j'ai découvert, aimé et écouté Depeche Mode dans les années 80. Le premier CD que j'ai acheté en 1986 est la compil “Catching up with Depeche Mode”. Ensuite, l'album “Black celebration” et le maxi “Stripped”, avec le super morceau “Breathing in fumes”, que je joue régulièrement. Pour “Master and servant”, je trouve que c'est un des morceaux les plus novateurs des années 80. Les sons industriels dans une chansons pop n'ont jamais été aussi bien maîtrisés. C'était ténébreux, mais aussi festif. C'est en me souvenant de l'impression que m'avait fait ce morceau à l'époque que j'ai eu envie de l'associer à une chanson qui a le même esprit maintenant, avec ce côté rond et chaleureux des productions actuelles

FV : Ça ne te donne pas envie de remixer, de travailler officiellement avec toutes les pistes “propres” fournies par l'artiste que tu remixes ? C'est pas frustrant de remixer avec les moyens du bord ?
DJ Zébra : Les bootlegs, c'est un jeu, un moyen de produire quelque chose d'inhabituel, sans contraintes, et où le talent de musicien est plus flagrant que dans un remix normal. Tous les remixers ne sont pas musiciens, ils n'auraient pas une assez bonne oreille ou culture musicale pour créer un bootleg harmonieux en respectant les morceaux d'origine. Et j'ai bien conscience qu'il est très difficile d'obtenir des pistes séparées de gros tubes, surtout quand ils ne sont plus d'actualité. Mais je ne fais pas que ça, j'ai fait aussi des remixes officiels, ou je joue aussi des instruments (guitares, synthés, ...). Le bootleg est une carte de visite de mon talent de producteur, et aussi une façon d'amener les gens à venir les écouter dans mes soirées et dans mon émission de radio.

FV : Est-ce qu'il existe un vinyle white label, un test pressing ou un média sur lequel on peut retrouver Master and Servant (Depeche Mode vs. Radio 4) ? Quelque chose de pressé ?
DJ Zébra : Pas encore. J'ai composé ce bootleg en août, il est tout chaud, et ça ne m'intéresse pas de presser du vinyle pour l'instant. J'ai juste un CD mixé avec mes travaux en vente pour les fans. Par contre, comme Radio 4, Dave Gahan et Martin L. Gore sont distribués par Labels en France, ça peut être pratique pour obtenir l'autorisation de le sortir officiellement. Pour l'instant, rien n'est négocié. Il circule en CD-R, c'est l'esprit punk du bootleg...

PLAYLIST :
STUPID CUPIDS “Frustrated”
TC MATIC vs. WHITE STRIPES “Putain putain”
STRAWBERRY SMELL “Ultrabright” (Zebra remix)
WHITE STRIPES “Girl, you have no faith in medicine”
JANE'S ADDICTION “Just because”
AUDIO BULLYS “I go to your house”
THE KINKS “You really got me” (Zebra remix)
ELECTRIC SIX “Gay bar”
RAVEONETTES “Do you believe her”
SILMARILS “Guerilla”
SLOY “Pop”
BIKINI MACHINE “Monkey bum bum boogie”
ELECTRONICAT “Experience”
YOUNG HEART ATTACK “Over and over”
COSMONAUTS OF INNERSPACE “Kung foo”