UN PRODUCTEUR TOUT NEUF

Que déduire du choix du nouveau producteur ? Pas grand chose à l’heure actuelle puisqu’il est bien évidemment trop tôt pour pouvoir donner un avis sur une œuvre qui n’a pas encore vu le jour. On peut simplement penser que le choix d’un nouveau producteur est audacieux, une sorte de prise de risque. On constate également que Depeche Mode semble avoir tiré un trait sur les coopérations au long terme en ce qui concerne la production de ses albums. Si Daniel Miller co-produisait les premiers albums et si Flood a fait un joli doublé avec Violator et Songs of Faith and Devotion, les autres producteurs n’ont pas connu une telle longévité. Mark Bell rejoint ainsi Dave Bascombe au panthéon des producteurs sacqués au bout d’un premier album (Tim Simenon a fait un tout petit peu mieux, puisque après ULTRA, il a poursuivi l’aventure avec les nouveaux morceaux de la compilation 86 > 98 et une production remarquable sur des morceaux comme Only When I Lose Myself et Surrender).

UN CHANGEMENT DE CAP ?

Est-ce que la venue d’un nouveau producteur va provoquer un changement dans le traitement des chansons composées ou proposées par Martin Gore ou David Gahan ? Après une rapide analyse des précédents travaux d’Hillier, nous pouvons dégager quelques grands axes de sa manière de travailler : il semble maîtriser aussi bien les programmations que les arrangements acoustiques, comme il a pu le démontrer par son travail sur le dernier album en date du groupe anglais Blur, Think Tank, qui passait allègrement des beats punkoïdes aux sons de saxophone ou aux ambiances world music. Son CV, très anglais et on ne peut plus éclectique (de Tom McRae à Sophie Ellis Bextor en passant par Echobelly), laisse à penser que Ben Hillier peut être à l’aise dans différents styles. Cette capacité d’adaptation est sans aucun doute un atout si Depeche Mode souhaite innover (on l’espère !) et se démarquer de leurs oeuvres passées et de la musique actuelle, et a peut-être joué dans le processus de recrutement. Il nous faut quand même signaler que Hillier n’a jamais produit de musique réellement électronique et qu’il est plutôt réputé dans le style pop rock ; un indice sur l’orientation du futur opus de Depeche Mode ? Toutes les extrapolations sont possibles à ce jour. Le travail collectif ne semble pas non plus être un problème pour Ben Hillier : il a été maintes fois co-producteur d’un album (le dernier Blur avec William Orbit mais aussi Clinic ou Elbow), ingénieur du son et a apporté sa contribution à de nombreux remixes : Gageons que ces expériences diverses et variées lui permettront d’appréhender la complexité du groupe et la direction que l’hydre à deux têtes qu’est devenue Depeche Mode veut désormais prendre.

TRAVAIL AU PLUS PRÈS DE L’ÂME

Concernant la personnalité du futur producteur, ses anciens collaborateurs décrivent Hillier comme quelqu’un de très sympathique et qui a une approche très respectueuse et sentimentale de la musique des artistes avec qui il travaille. Il semble apporter une grande importance à l’authenticité des démos des morceaux et ne souhaite pas les dénaturer par des bidouillages exagérés. En effet, Tom McRae parlant du travail d’Hillier sur son album Just like blood dit : “Il fait très attention à ne pas tuer la chanson. Dans la production si tu commences à jouer, jouer et rejouer avec la chanson il est capable de dire : ‘Stop ! Il faut sauver cette chanson !’ avant que la surproduction ne lui fasse perdre son âme.” C’est en cela que l’approche d’Hillier semble radicalement différente de celle de Tim Simenon par exemple, qui était très influencé par son passé de DJ ou par un Mark Bell a qui on peut parfois reprocher de simplement faire du Mark Bell. En tout cas, il ne nous reste qu’à guetter les prochains indices que voudra bien nous donner Depeche Mode. La suite au prochain épisode.